aout est une date commémorative d’un évènement historique, sans doute mal connu, mais qui compte, me semble-t-il, dans l’histoire d’El Jadida et qui même , a mon avis, peut avoir contribué a changer le cours de l’histoire du Maroc :
Le 14 Aout 1912, El Jadida ( alors Mazagan ) fut en effet la première ville du Royaume a reconnaître le nouveau sultan Moulay Youssef ben Hassan, père de Mohammed V, et arrière grand-père de Mohammed VIDans une période diplomatique et économique difficile, après le traité instaurant le Protectorat, Moulay Youssef sut gagner la confiance du général Lyautey et préserver les intérêts majeurs du Royaume, et son action de reconstruction et de modernisation du Maroc fut poursuivie a sa mort en 1927 par son fils Mohammed V qui, tout en conservant son amitié pour la France, conduisit le Maroc a l’indépendance. Et cette œuvre de rénovation est poursuivie de nos jours par l’actuel souverain.
Mais faisons un raccourci de cette histoire, trop complexe et mouvementée pour être résumée en quelques lignes. Et remontons, d’abord a la fin du XIXème siècle : Le sultan Moulay Hassan ( Hassan I ) régna sur le Maroc de 1873 a 1894 ; Il avait neuf fils dont les plus connus sont Moulay Abdel Aziz, Moulay Hafid et Moulay Youssef. A sa mort, le pouvoir échut a Moulay Abdelaziz ; mais son règne fut fortement contesté si bien que son frère et rival Moulay Hafid obtint son abdication, en 1908 et lui succéda a la tête du Royaume convoité déja par les puissances internationales.
Mais Moulay Hafid avait une vision du pouvoir qui se heurtait frontalement avec la puissance française ; il signa bien malgré lui, l’acte du Protectorat et préféra démissionner aussitôten prétextant, en accord avec les autorités françaises, des problèmes de santé. c’était le 12 Aout 1912.
La question de sa succession fut aisément réglée, car Moulay Hafid accepta que ce soit son frère, Moulay- Youssef qui lui succède. Un choix qui eut l’agrément du général Lyautey car il avait gardé de lui une excellente impression lorsque Moulay-Youssef était Lieutenant chérifien a Fès.
Le lendemain de l’embarquement de Moulay Hafid pour la France, le Grand Vizir El Mokri réunit au Dar-Mahkhzen de Rabat, le 13 Aout 1912, tous les membres du Malhzen pour leur faire communication de l’acte d’abdication de Moulay Hafid, et après un court échanges de vue, le makhzen avalisa la désignation de Moulay Youssef ben Hassan comme Sultan. Alors fut envoyé partout l’ordre de proclamer la nouvelle et d’envoyer l’acte d’hommage.
Et c’est El Jadida qui, la première, dressa, le 14 Aout, l’acte d’allégeance.D autres villes, comme Larache, El Ksar suivirent l’exemple d’El Jadida, plusieurs jours plus tard. Tetouan retarda sa réponse, Essaouira ( Mogador ) se fit prier pour en faire de même ; quant a Marrakech , elle ne proclama le nouveau sultan qu après la fuite de Moulay -Ahmed Ed-Dhiba, qui menait combat contre les forces étrangères.
Voici donc les principaux passages de cet acte d’allégeance que le pacha de Mazagan adressa au nouveau sultan, Moulay Youssef :
« Un message nous est arrivé du vizir vénéré, de la seigneurie respectée, de celui qui est doué de perspicacité, d’élévation et de générosité, du juriste très heureux , distingué, vertueux , du très illustre Sid El-Hadj Mohammed El-Mokri – Que Dieu prolonge sa félicité et perpétue sa notoriété !
Ce message, adressé a l’amel de la cité mazaganaise protégée de Dieu, le serviteur du Trône élevé par Dieu, le caïd très gracieux, noble, estimé, très considéré, Si Allal El-Kasmi, mande que notre Seigneur le Prince des Croyants, notre Maitre Abdelhafid a fait paraître la décision d’abdiquer la souveraineté pour se ménager un voyage en vue de soigner une maladie très grave dont il souffre.
Le vizir ajoute qu il a recueilli l’avis unanime de la généralité des habitants des deux rivales protégées de Dieu ( c-a-d Rabat et Salé) ainsi que celui des fonctionnaires chérifiens présents et celui des soldats et des tribus de cette région, lesquels se sont montrés tous d’accord pour la proclamation de la seigneurie du très pur, savant et très savant, brillant, bienfaisant, doux, généreux, avisé, le Prince des Croyants, notre Seigneur et Maître Youssef, fils de notre Maître Hassan – Que Dieu le fasse victorieux – laquelle proclamation est rituelle – Que Dieu fasse durer son règne et lui donne la victoire et la prospérité !
L’amel susnommé a donc convoqué un grand nombre de gens, la généralité des notables de cette cité mazaganaise, ses administrateurs, ses Chorfas, son cadhi et les âdoul de celui-ci, son préposé aux habous, son mohtaseb, ses lettrés, ses amines du port et leurs âdouls, ses autorités militaires et la généralité de ses habitants et il leur a donné lecture de ce message du vizir.
Tous ont compris la teneur et ont été unanimes a s’en féliciter, a s’en réjouir et a s’en contenter.
Aussi, se sont-ils assemblés en cette cité mazaganaise pour proclamer l’Imam victorieux ; le Sultan assisté de Dieu, notre Seigneur et notre Maitre Youssef susnommé.
Ils lui ont rendu hommage- Dieu rende ses jours heureux et fasse flotter pour la justice ses étendards !
Cet hommage est valable, entier, évident, établi en présence des notables dénommés dans la marge du présent acte, et conforme a la Loi traditionnelle, l’assemblée s’étant trouvé a l’abri de toute contrainte ou endoctrinement et s’étant décidée de son plein consentement, ce qui entraine pour elle sujétion et obéissance(.)
Ceux qui ont assisté a cette assemblée et entendu ses délibérations a ce sujet en ont dressé acte.
Du 1er ramadhane vénéré 1330 ( 14 aout 1912)
(En marge du document, figure la liste des noms de 98 personnes)
La proclamation fut faite publiquement le même jour mais ce mode de désignation du souverain du royaume changea sous le règne du Mohamed V qui instaura la succession au Trône par ordre de primogéniture masculine.
Michel Amengual
Eljadida.com