Des gazelles en liberté et menacées, dans l’une des plus anciennes réserves du Maroc a Sidi Chiker
Le soleil était haut, déja, mais un vent encore tiède rappelait que l’été venait a peine de se terminer. La route semblait monotone, presque interminable, entre Chemaia et Chichaooua, dans la plaine du Haouz Je venais d’El Jadida, et j avais emprunté le trajet pas forcément le plus court, ou le plus confortable, la R201 et quelques embranchements supplémentaires, pour aller découvrir les fameuses gazelles Dorcas, a Sidi Chiker, dans la province de Safi. Brusquement, après quelques pics schisteux, une entrée en forme d’arche s’ouvre sur une steppe de près de 2000 hectares : La réserve de Msabih Talla . Rien de bien grandiose, en entrantet puis, en filant au pas de chasse dans les sentiers, 20 kilomètres de pistes entre les genets, les lavandes, les pins, les eucalyptus et les acacias, nous atteignons un mirador d’où nous découvrons un paysage d’une extrême beauté dans sa simplicité : Certes, la végétation n’est pas très abondante, car il ne pleut pas souvent a Sidi Chiker. Tout juste 150mm de pluie, les bonnes annéesc’est vrai aussi que, passé l’hiver où le thermomètre descend parfois a 5°C, le temps est plutôt chaud, et les étés torrides. Le mois le plus chaud peut atteindre 42°Cavec, quelques fois, un « chergui » a vous sécher la gorge et les paupières.Mais la steppe vous parait alors plus grande, avec ses arbres et ses arbustes épars. Par endroit, des fleurs, rustiques, ont déroulé leur savant tapis et battent leurs pétales a la brise légère. Les papillons viennent leur faire la cour, et disputent aux abeilles ou aux frelons et même a des oiseaux gourmands,le privilège de les embrasser. Un lézard multicolore s’étale sur pierre réchaufféeet, subrepticement, un serpent prend la fuite. Qu on se rassure, il n’y a pas de vipères. Juste des couleuvres, des caméléons, une dizaine d’espèces de reptiles, pour rajouter aux émotions. Mais avec un peu de chance, vous verrez un cobra, Et puis, des oiseaux : une centaine de variétés nichent dans le site, des oiseaux résidants permanents, mais aussi des migrateurs et des hivernants. Parmi les plus intéressants, endémiques, rares ou menacés, on peut citer la cigogne blanche, le faucon pèlerin ou lanier, la courvite isabelle, la ganga, l’élanion blancet puis, des perdrix, des cailles.
Tiens, un hérisson traverse le sentier ! Il ne semble craindre personne ici. Encore ne faudrait-il pas qu il rencontre un renard tapi on ne sait où. Quelques sangliers halètent la-bas, a l’ombre d’un arbuste et les lièvres si prompts a déguerpir a la moindre alerte. Une quinzaine d’espèces de mammifères ont été recensées. Mais l’espèce la plus noble, la star de cette réserve, c’est la gazelle. De son vrai nom : la gazelle dorcas, caractérisée par sa rusticité et son adaptation aux milieux arides et désertiques. Elle est chez elle, ici. d’ailleurs, c’est pour elle que cette réserve a été construite. En 1952. c’est l’une des plus anciennes réserves de la faune terrestre au Maroc mise en place par les Eaux et Forêts. Et depuis 1996, elle est classée Site d’Intérêt Biologique et Ecologique ( SIBE), et donc, protégée Les quelques dizaines de gazelles du début se sont multipliées. Il y en aurait plus de 500 actuellement. Mais un danger les guette. Un danger mortel : le braconnage. La population des douars voisins a, elle aussi, augmenté, et va s’approvisionner dans le parc même, en bois, mais aussi en viande. Souvent la nuit. Cette viande de gazelle que l’on sert dans certains restaurants huppés de grandes cités, m a-t-on dit sous le sceau de la confidence, comme on peut la trouver a 30 ou 40 Dh le kilo, dans les boucheries des souks alentour. Sans compter la peau et la tête que l’on vend au prix fort et sans entrave chez certains bazaristes marrakchis. « Que faire contre ce fléau ? », se lamente Mohamed Radi, le chef provincial des Eaux et Forêts de Safi qui fait tout ce qu il peut pour protéger cette enclave : « Nous avons 24 kilomètres de clôture, et deux gardes-chasse pour veiller nuit et jour sur la réserveet cela ne découragent pas ces braconniers qui, n’aimant pas être surpris, sont même prêts a tirer, et leurs pièges, mis en travers de la route, sectionnent les pattes de nos gazelles, mais peuvent aussi blesser gravement nos gardiens quelques-uns de ces lascars ont été arrêtés en flagrant délit récemment, une gazelle égorgée entre leurs mains » Pourtant, tous croient a l’avenir de cette réserve. Le wali de la région Abda-Doukkala, M.Larbi Essebbari, réputé pour son efficacité, comme tous ceux concernés par le développement du tourisme écologique, pensent qu il y a la un atout a ne pas négliger
Et certains se mettent a espérer : En réintroduisant des espèces animales et végétales ayant disparu de la région, en aménageant les pistes et des locaux pour en faire des gîtes d’étape, on créant une animation pour des visiteurs toujours plus curieux et plus exigeants, cette réserve pourrait contribuer au développement économique de la région et participer a l’éducation du public,et des scolaires notamment , pour un plus grand respect de la nature et de l’environnement.
Une promesse ? Demain, sans doute, une réalité. Pour peu qu on y rêve.
( Cet article vient d’être publié par la luxueuse revue « JARDINS du MAROC », N° 7-Sept 3007)
Michel Amengual