Barouk du Marock

2006, le jour J-1 après midi, la fièvre de consommation atteint son paroxysme dans un supermarché d’El Jadida ; une clientèle monstre y entame son dernier virage aux courses avant le jour sacré d’Al Adha. Entré pour une broutille, me voila coincé entre les caddies dans une longue file d’attente aux caisses. Encore heureux, la cliente qui me devance n’a qu un carton dans son chariot. c’est une jeune femme habillée d’une djellaba, assortie d’un foulard soutenu par une broche coupant court a toute mèche rebelle. En guise de chaussures, des bottes noires privent ses mollets des regards indiscrets ; bref, c’est tout le portrait d’une dame pieuse. Quelques minutes plus tard, notre cliente déballe son carton a la caissière en exhibant plusieurs spécimens d’une boisson qui n’a rien du soda, mais a coup s»r du vin rouge ! Ce n’est pas de la fiction, mais une bizarrerie de plus a compter au passif d’un monde gangrené par les apparences douteuses.

1997, minuit passé sur le parking d’une discothèque a Casablanca ; une jeune adolescente en manque de repère se jette dans les bras de l’un de ses copains pour fausser compagnie au stress ; son caractère je-m en-fichisme décline son appartenance a une classe huppée. Comme tous les jeunes de son âge, elle traverse sa crise d’adolescence en testant tous les interdits de sa confession. A la maison, son langage est du tout cru contre son frangin qui est tombé dans l’abstinence; et pour compliquer tout ça, la jeune Ghita est éperdument amoureuse d’un juif marocain. Les voila embarqués dans une relation occulte d’où l’élu s’en tirera en se faisant trucider par une voiture ! l’histoire de Ghita est tissée par une cinéaste Franco-marocaine dans un dialogue de caniveau, associé a des scènes osées pour le cinéphile Marocain. Tout ce montage est destiné pour dénoncer les fourberies de la société Marocaine, encore que la séquence de l’amant dépouillé de tous ses vêtements, sauf de sa croix de David, suscitera des critiques de tout azimut ! Face aux accusations, la réalisatrice défend son Marock en se réfugiant derrières les remparts de la liberté d’expression !

Aux années soixante dix, les ressortissants Marocains rendaient visite a leurs familles en prenant soin de ramener des cadeaux dans leurs valises ; ces barouks de l’étranger étaient très appréciés a cause de la pénurie de l’époque. Aujourd hui, le barouk du Marock provoque plutôt un duel entre les conservateurs et les libertins, avant toute projection dans les salles publiques ! Pour le coup médiatique, c’est réussi ! Car dans ce milieu, la liberté d’expression est sacrée et demeure un outil efficace pour faire sauter tout obstacle ; les récentes publications Danoises en sont, hélas, le plus grand témoin.

L’été dernier, un magazine Marocain publie la photo d’un couple prolo entrain de prendre son bain solaire sur une plage ; les têtes des deux jeunes sont cachées sous une casquette commune pour échapper aux regards indiscrets. Cette attitude m a fait penser a une tradition Gauloise qui prétend que lorsqu une fille célibataire se fait voler un baiser sous le Gui, ses jours de célibat sont comptés. Non loin d’El Jadida, des filles affrontent les sept vagues de Lalla Aîcha Al bahria pour décrocher leur billet de mariage. Mythe ou réalité ? En attendant, les agences matrimoniales continuent de se frotter les mains. Quant a nos deux jeunes prolos, le barouk de Leïla Marrakchi n’aurait été d’aucun secours ; un toit armé d’un boulot aurait suffi pour renoncer au célibat.

Et pour vous quitter, voici l’essentiel d’un entretien entre le PDG d’une grosse boite et un jeune loup, candidat au poste Commercial :
– Qu avez-vous comme prétention pour accéder a ce poste ?
– Je suis prêt a vendre Père et Mère.
– Ca va, vous êtes admis.

Merci.

Abdelaziz Cherif

Auteur/autrice