Salaheddine Mezouar doit répondre aujourd hui aux questions des députés lors de l’examen du projet de budget pour 2008 au sein de la commission des Finances et du développement économique de la Chambre des représentants. En tout cas, le ministre de l’Economie et des finances a fait preuve de sang-froid pendant deux jours malgré la virulence des critiques du PJD et des relâchements de langage de certains députés. Il est a noter que le PJD y était présent en force pendant toute la durée des discussions. Ses parlementaires ont dominé en multipliant les interventions sur différents volets.
Dans les rangs de la majorité, c’est l’USFP qui s’est distinguée en mettant en œuvre pour la première fois sa stratégie de « soutien critique » au gouvernement, dont d’ailleurs l’Istiqlal avait usé du temps où Abderrahman Youssoufi dirigeait le gouvernement d’alternance. Et c’est Khalid Hariry , député du groupe socialiste, qui est monté au créneau en manifestant des inquiétudes sur les choix politiques qu implique la révision de la fiscalité, particulièrement celle de l’IS. Pour lui, la baisse de l’IS, qui se traduit par un manque a gagner pour le budget de près de 5 milliards de DH, n’est pas la meilleure façon d’encourager les entreprises marocaines. Ces cadeaux fiscaux profitent aux grandes entreprises et aux multinationales, a-t-il martelé. Cet avis est aussi partagé par le PJD.
Pour convaincre, le député de la région d’El Jadida a cité, chiffres a l’appui, l’exemple de Maroc Telecom et celui de Lafarge. Pour le premier, le cadeau fiscal représente près de 2,2 milliards de DH (sur une législature de 5 ans) dont 1,2 milliard de DH iront dans les poches de Vivendi, a-t-il précisé. Pour le deuxième, la carotte fiscale serait de 200 millions de DH sur 5 ans. La aussi, une partie de ces montants ira a l’étranger sous forme de dividendes. Les chiffres cités par Hariry sont calculés sur la base des résultats de deux entreprises pour l’exercice 2006.
«Si l’Etat est prêt a céder près de 5 milliards de DH comme cadeau fiscal, autant que ça soit au niveau de l’IR qui profitera aux PME. Celles-ci ont un besoin pressant en encadrement pour pouvoir se développer et recruter facilement», ajoute le député qui intervenait au nom de l’USFP. En continuant le trend de la baisse de l’IR entamée l’année dernière, on augmente le pouvoir d’achat des citoyens qui se traduira par une hausse de la consommation, note- t-il. Idem pour la baisse de l’IS en faveur des banques. l’USFP compte le maintenir a 39,6%. En tout cas, tout cela sera contenu dans les amendements qui seront présentés prochainement.
Pour Hariry, le gouvernement devrait s’intéresser au drame de la campagne où les agriculteurs sont pris a la gorge. Les conditions y sont très difficiles, fragilisées par la flambée des prix des céréales et des produits alimentaires sur le marché mondial. A cela s’ajoutent les effets de la sécheresse et la pénurie des aliments de bétail. Ce dossier est explosif.
D ailleurs, Abdelhadi Doumou de l’USFP a tiré la sonnette d’alarme. « Il ne faudrait pas s’étonner si on voit demain des fellahs arriver par camions pour manifester a Rabat ou dans les grandes villes », a-t-il dit en substance. Ces inquiétudes sont également partagées par Tahar Chakir du groupe « Authenticité et modernité » (formé autour de Fouad Ali al Himma) pour qui le monde rural est le grand absent de la loi de Finances de 2008. La campagne est marginalisée. Même les programmes en faveur des jeunes, particulièrement les sports, ont ignoré le monde rural alors qu il regorge de potentialités capables de rivaliser avec les meilleurs athlètes dans le monde, a souligné Tahar Chakir. En tout cas, cette situation dramatique interpelle le gouvernement pour mettre en place une politique d’urgence visant a augmenter la production agricole, particulièrement le blé, et s’affranchir de la dépendance du marché extérieur. Idem pour le PJD qui parle de sit-in attendus dans les souks et les quartiers périphériques. Un député d’Oujda a même parlé de « hay Akrad » et « hay Chichène » en abordant la question d’habitat social.
Toujours sur le registre de la fiscalité, Bouthaina Iraki, fraîchement députée du RNI, a proposé de mettre en place un mécanisme permettant aux entreprises de personnes physiques de changer de statut pour se mettre en société sans avoir a subir un contrôle fiscal. La présidente de l’Afem a également abordé Moukawalati dont le résultat n’est pas au rendez-vous pour une bonne formule. Pour relancer l’initiative, elle interpelle le ministère des Finances pour trouver le moyen d’impliquer les banques via Bank Al-Maghrib.
Mohamed CHAOUI
L’Economiste