partir de l’ancienne gare routière, la place El Hansali, la cité portugaise et du château rouge, le visiteur de la ville est vite attiré par ces chefs-d œuvre de la capitale des Doukkala qui offrent une image réconfortante.
Mais il se rend très vite compte que cela ressemble plutôt a une ancienne carte postale qui commence a «se décomposer»… Alors, il comprend que cette vieille Deauville marocaine n’est plus cette belle carte postale aux couleurs chatoyantes. Car derrière le front de ces chefs-d œuvre, il y a celui de la misère. Ces bijoux, qui faisaient la fierté des Mazaganais, menacent ruine. Plus loin, des quartiers de la ville, comme Bouchrite, Lalla Zahra, Sid Daoui, El Merse, El Kalâa, Safâa, Daya, Somic et Derbs Touil, Bark Allile, Lahlali, El Hajjar, sont sévèrement touchés. Une situation qui s’aggrave et s’accentue de manière alarmante pendant l’hiver. Lors de cette saison, une catastrophe, plus ou moins grave, surprend plus d’un. Cela peut être un effondrement partiel de toiture, d’escaliers, de murs ou de balcons. Aussi des pertes humaines ont été enregistrées durant ces dernières années. Plusieurs familles vivent le calvaire au quotidien. Les habitations anciennes dans les quartiers populaires sont minées par l’humidité et le manque d’entretien. Dans les vieilles rues de la cité portugaise, des bâtisses sont a première vue classées zone rouge, mais les résidents y habitent encore.
La raison se trouve dans le fait que les autorités provinciales et locales ainsi que le Conseil municipal sont dans l’impossibilité de trouver des solutions d’urgence (relogement des familles…). Ces dernières, très méfiantes, a juste titre, a l’égard du pouvoir local, s’entêtent a ne pas quitter les lieux même quand des garanties leur sont données. Cela les pousse a courir un danger réel a l’intérieur de bâtisses qui menacent ruine d’un moment a l’autre. La seconde est d’ordre juridique. Les autorités locales et le Conseil municipal souffrent, en effet, de l’absence de terrains pour la construction de logements qui serviraient de sites de recasement pour les familles évacuées de leurs demeures, afin de réhabiliter les constructions.
Ces autorités hésitent encore a enclencher le processus de récupération de certains terrains privés afin de lancer des projets de développement qui seront un appui pour l’opération de réhabilitation. évidemment, la cité portugaise qui compte, par ailleurs, plusieurs habitations vétustes, a besoin d’un sérieux plan de réhabilitation qui pourrait maintenir en place des sites habités.
La concrétisation d’un tel plan est loin de constituer une sinécure. Elle est conditionnée par la réunion de moyens assez importants. Pour l’expertise, les autorités doivent privilégier la coopération en bénéficiant de l’expérience d’autres pays. Pourquoi ne pas signer un accord d’amitié et de coopération portant sur la réhabilitation de la cité portugaise et de son vieux bâti avec les mairies de Sintra, Varennes et Sète, villes jumelées avec Eljadida? En attendant, ce qu il convient de faire en toute urgence, c’est de recenser le vieux bâti au niveau de chaque arrondissement urbain. Il faut classer ce patrimoine immobilier en le répertoriant par catégories: les bâtisses qui nécessitent une réhabilitation, celles qui nécessitent un confortement et celles qui demandent une rénovation sans oublier le cas de ces «nouvelles» constructions abandonnées. Pour chacune de ces catégories, il y aura trois sortes d’intervention: légère, moyenne et lourde, selon la gravité du délabrement. Il faut évaluer le degré d’urgence pour chaque bâtiment et engager les travaux qui s’imposent. Selon nos premières constatations, plus de 70 vieilles bâtisses a El Jadida doivent être démolies en raison du danger qu elles constituent pour la vie des citoyens. c’est pourquoi nous suggérons aux décideurs de la ville de faire dans les brefs délais une étude qui leur permettra la classification des bâtisses entre celles a démolir et celles a rénover.
L’effondrement n’avertit pas… Les vieilles constructions de la capitale des Doukkala, héritées de la période coloniale (s étalant notamment tout au long du centre-ville) et qui font partie d’ailleurs de l’Art Déco, sont livrées volontairement a la décrépitude pour qu elles tombent comme des châteaux de cartes. Ainsi, ces derniers jours, la rumeur circule que la démolition va toucher très prochainement l’immeuble El Cohen classé patrimoine national sous prétexte qu il menace ruine, alors que la presse, des associations de sauvegarde du patrimoine et des spécialistes de l’urbanisme n’ont pas hésité a qualifier depuis plusieurs années et jusqu a nos jours cet acte d’irréfléchi et de précipité, surtout que les connaisseurs de la valeur architecturale et culturelle de cet immeuble n’oublient a aucun moment que Mohamed Benissa a proposé quand il était ministre de la Culture de restaurer cet immeuble afin qu il soit un musée du patrimoine doukkali.
L’ancien ministre avait même conseillé de ne jamais autoriser sa démolition. Si cela s’avère vrai, ce sera une action qui porte, selon les spécialistes, un sérieux préjudice au tissu architectural de la ville. Ce joyeux architectural d’El Jadida, en l’occurrence, l’immeuble appelé “El Cohen”, classé patrimoine national, est en danger. Ainsi, il existe un risque de pollution visuelle entre les nouvelles réalisations et l’existant sans que les autorités provinciales et locales, le Conseil municipal et les services concernés ne prennent les mesures nécessaires pour remédier a cette situation. n’est-il pas donc de leur devoir de s’occuper des immeubles en place qui ont une histoire?
Protection du patrimoine historique
Tous les Jdidis veulent qu il y ait un héritage, qu il y ait davantage de témoins du passé qui existeront demain et après-demain. c’est pourquoi ils souhaitent que l’Etat ait son mot a dire et qu il empêche le massacre. Contrairement a ceux qui disent que la loi n’innove pas et ne va pas assez loin, il y a quand même des apports très importants, notamment en ce qui concerne le droit donné a l’Etat de réquisitionner des immeubles classés.
c’est-a-dire que si un propriétaire n’apporte pas la diligence requise pour effectuer des travaux de conservation et si l’immeuble classé monument national risque de tomber en ruine, il faut bien que quelqu un s’en occupe.
L’Etat prendra en charge ces travaux, sous certaines conditions, financières notamment, car il a le droit de protéger le patrimoine. De ce fait, il peut intervenir dans la propriété privée. Car l’arme absolue de l’Etat en la matière, c’est qu il peut défendre effectivement tout changement, toute transformation d’un bâtiment classé. En cas de contestation des propriétaires devant les juges, si l’Etat prouve l’intérêt architectural, historique, scientifique, industriel ou autre, il peut donc interdire tout changement. Le but est de conserver le patrimoine culturel bâti.
Les autorités provinciales, le Conseil municipal, l’agence urbaine et le ministère de la Culture doivent agir pour appliquer les dispositions de la loi relative a la protection du patrimoine par sa déclaration de secteur sauvegardé.
Abdelmajid Nejdi
Le Matin