Didier Chenu : l’innocence du regard

Chenu aime la vie. Son art est fait de tendresse subversive et de pudeur extravertie. Il aime a cacher la technique sous des effets de fausse désinvolture. Ses tableaux ressemblent a des ardoises insolentes, des pieds de nez, des fatrasies, des bouts rimés, ils ont la beauté de certains aphorismes soixante-huitards, car ils expriment en même temps une part d’enfance et l’idée d’une révolution sans projet. Avant de s’attacher a la peinture, Chenu fit tous les métiers.

Mais, cela se sent, cela se voit dans les images magiques qu il produit : la peinture lui a donné le go»t de vivre. Sur ses toiles, transparaît un onirisme a la Prévert où s’associent la craie, les encres, l’acrylique et quelquefois des cartes postales, des billets de banque, des Joconde de récupération, des bagues de cigares ou un lambeau de jute, une sorte vision d’hallucination précédant ou suivant immédiatement le sommeil

Cela fait 4 ans que Didier vit et travaille a El Jadida. Depuis sa première visite dans la région, il est tombé doublement Amoureux : et de la ville, et de la belle Jdidie Fatiha sa femme. « Je suis un Jdidi pure souche », nous glissa t-il, en éclatant de rire.
En tant que peintre, il appartient a cette école qu on qualifierait de « non-lieu » : hors les normes. Cela veut dire dans le domaine de la création plastique, un art brut, singulierUn art qui doit stimuler la création individuelle et élargir le champ d’écoute vers un nouveau public amoureux du geste simple mais authentique.

Un penseur zen a écrit dans ce sens : « Quand vous faites la cuisine, ne regardez pas les choses ordinaires d’un regard ordinaire, avec des sentiments et des pensées ordinaires. Avec cette feuille de légume que vous tournez dans vos doigts, construisez une splendide demeure».

Autrement dit, et plutôt que de modifier l’œuvre, c’est le regard porté sur l’art singulier que Chenu et les artistes faisant partie de la même école veulent changer. Dans un monde tellement ligoté par les multiples contraintes, interdictions, règles, inhibitions, et autres entraves, l’art hors les normes apparaît sans tabou, débridé, indépendantun pur bonheur !
Nous sommes en plein dans l’irrationnel, la subversion, l’imaginaire et dans le fantasme. On plonge dans la jubilation sans contrainte, simplement libre. Libre d’être libre. Il suffit de regarder autrement, de penser différemment, car cet art se vit comme un jeu d’incertitudes, de découvertes, d’émotions. Pour cela, il suffit de se défaire de ses repères habituels, pour que l’œuvre se livre a soi. Car sous l’apparente modestie et quelque fois simplicité de l’œuvre, se cache une complexité et une profondeur qui peuvent déconcerter.
Cette peinture n’est pas une forme d’expression, ni une rupture, ni même une innovation, mais tout simplement l’affirmation d’une expression naturelle de l’art. Elle accompagne l’homme dans son quotidien. Elle apporte un supplément d’âme a chacun.

c’est pour cela qu entrer dans l’univers de Didier Chenu est toujours une preuve d’humilité. Cela nécessite une forme de purification, de celle qui décrotte l’âme et l’esprit en profondeur. Initiation en quelque sorte, rite païen. On abandonne ses référents, son savoir, pour aller vers un « je-ne-sais-quoi » empli de poésie.

Ses peintures sont un festival de couleurs éclatantes. Elles nous initient a un voyage que l’on ose entrevoir parce que borné, raisonnable et raisonné. Lui est libre. Il peint ses visions. Il colle, déchire et gratte sans se soucier du qu en dira t-on. Il noircit des cahiers comme un gamin, découpe des femmes glanées sur des pages glacées, les magnifie, les aime, les triture, les assemble, les colle.

«Il ne faut pas se laisser pétrifier par les habitudes, nous déclara Didier Chenu. Il faut ouvrir son esprit, accepter l’invitation au plaisir Car cette peinture hors les normes, singulière, différenciée, voire indisciplinée, propose un voyage non dénué d’humour au travers d’images, d’objets insolites, peinture ou sculpture parfaitement inattendues. c’est la où réside la force de cet art. Il n’y a pas d’a priori. Il faut oublier les références et les techniques usuelles, pour laisser aller les émotions, leur perception a fleur de peau, leur cri de cœur. Toute personne sera forcément touchée, troublée par les œuvres».

Il y a chez lui du flair, de l’instinct, de la chance, mais aussi un sentiment d’innocence néolithique. Il réinvente la peinture en la faisant. Il marche sur les toits avec la grâce du somnambule et vient mettre un peu d’euphorie sur les murs de nos maisons.

La maison Bandoeng Fatiha et Didier vous attendent au : 10 rue Bandoeng, a El Jadida (a côté du château rouge). Ils vous ouvrent les portes les weekends des 10-11 et 17-18 septembre pour une exposition d’atelier du peintre.

Abdellah HANBALI
Eljadida.com

Auteur/autrice