Mazagan vibre depuis quelques jours sous les salves des troupes de la Tbourida. Un exercice où parle le baroud au gré de chevauchées a l’aspect héroïque, et dont les détonations se suivent mais ne se ressemblent guère. La est, justement, l’enjeu de la compétition en cet art ancestral. Les troupes y participant, également – au travers de leurs montures a la grâce féerique, ou encore aux enjolivements et a leurs selleries dont la beauté n’a d’égale que la dextérité des petites mains les ayant confectionnés – ne sont pas faites pour se ressembler.
Un peu plus loin, au sein de l’un des chapiteaux, c’est un exercice d’un autre genre auquel a droit l’assistance.
Le régiment de la cavalerie de la Garde républicaine française, qui signe la sa première participation d’envergure a l’étranger, offre un spectacle a la beauté époustouflante : le dressage dans toute sa splendeur. Des moments d’intense plaisir où l’homme et sa monture ne font plus qu un, où la notion de complicité atteint son zénith. Une maîtrise et un savoir-faire qui n’empêchent pas, pourtant, le général Philippe Schneider, commandant du régiment de cavalerie de la Garde républicaine, de louer les aptitudes des cavaliers marocains adeptes de la Tbourida. «c’est tout simplement fascinant de voir ces cavaliers talentueux debout sur leurs étriers, certains en babouches même sans que cela ne gêne leur prestation, et s’arrêter net sur une très courte distance après la course, alors qu ils ont les deux mains accrochés a leurs fusils c’est un dressage a part », souligne-t-il, l’air amusé.
Pour se déplacer entre les deux espaces où s’expriment les chevaux barbes de la Fantasia et les selles françaises de la Garde républicaine, on traverse inévitablement le village d’enfants, l’une des nouveautés qui caractérisent cette troisième édition du Salon international du cheval d’El Jadida. Clowns et poneys sont les principales attractions sollicités par des groupes d’écoliers venus en masse, accompagnés de leurs institutrices et se délectant de ces moments de pur plaisir. Mais le village d’enfants, c’est aussi des stands éducatifs dédiés au cheval, a son mode de vie, a sa nutrition, a son histoire au Maroc, etc. Jeux, cinéma et spectacles ont également élu domicile dans cet espace spécialement organisé pour le jeune public.
Cependant, au-dela de tous les aspects cités précédemment, le Salon du cheval ne rime pas seulement avec « animation ». En effet, c’est au sein des chapiteaux que se profilent les vrais desseins de cet événement qui prend de l’envergure édition après l’autre. En ce sens, les 7 espaces (village Institutionnel, village International, village Sponsors, village des Artisans, village Arts et Culture, village des Eleveurs et village Commercial) que recense le salon reflètent les vrais enjeux de l’événement. On retiendra a ce propos l’une des réalisations du salon et qui n’est autre que la renaissance, voire la résurrection de certains aspects de l’artisanat marocain. «c’est la troisième édition a laquelle je participe et j ai constaté une nette évolution et une meilleure organisation par rapport aux éditions précédentes. Chaque secteur dispose désormais d’un espace dédié et c’est vraiment une très belle édition», confirme Hicham Sekkat, artisan de quatrième génération qui gère une fabrique de selles traditionnelles fondée en 1896 a Fès. Réputées pour être un must lors des défilés, de fantasia ou des cérémonies d’apparat, parées de fil d’or ou d’argent, les selles traditionnelles marocaines font, en effet, un retour en force depuis quelques années.
D un co»t compris entre 5.000 et 50.000 DH, une selle peut nécessiter jusqu a deux années de travail effectué par des mains douées de femmes. Un métier qui retrouve ses lettres de noblesse a travers le Salon du cheval, mettant en avant cet art ancestral transmis d’une génération a l’autre. «A travers ce salon, le métier retrouve peu a peu son âge d’or, sachant qu il y une dizaine d’années, cet art traditionnel a failli disparaitre, vu qu il n’y avait plus que deux artisans dans tout le pays qui l’exerçaient. Maintenant, avec l’organisation de pareils événements accordant une grande importance a ce secteur, le métier est en train de renaître de ses cendres. Aussi, les maîtres artisans qui avaient déserté le métier sont en train de reprendre leurs activités. De même, il y a beaucoup de jeunes qui désirent l’apprendre et en faire leur gagne-pain », explique Hicham Sekkat. Et d’ajouter : « De plus, les initiatives du ministère de l’Agriculture tel que le cachet qui doit impérativement être apposé sur les selles, contenant toutes les informations concernant sa fabrication, a permis la labellisation de nos produits ».
Au sein du même espace réservé a l’artisanat, l’on ne saurait passer a côté du stand de l’un des plus célèbres armuriers traditionnels marocains. Héritier, lui aussi, de cet art subtil, il lui voue une véritable passion. « Je participe au salon pour la deuxième fois et je peux dire qu il y a une évolution notable, l’espace réservé a l’artisanat est beaucoup plus grand que lors de l’édition précédente. De même, l’affluence est plus importante. La, nous expliquons aux visiteurs les différentes étapes de fabrication des fusils traditionnels, les différents types d’armes, etc. », affirme Ali Haddadi, artisan fabricant de fusils traditionnels. Le métier ? Il lui a été transmis par son père, qui lui-même l’a hérité de son grand-père. « A mon tour, je le transmettrai a mon fils », confie-t-il. Selon lui, le métier a connu un véritable déclin ces dernières années, puisque nombre d’artisans connus a Fès, Meknès ou Marrakech ont déposé les armes.
D un co»t compris entre 1.000 et 3.000 DH, le fusil traditionnel est le fruit d’un véritable travail d’orfèvre, malheureusement tombant désormais sous la coupe de l’amateurisme. « La, de nouveaux artisans autoproclamés ont investi le secteur, mais qui font du n’importe quoi, en recourant a des pièces de ferraille pour la fabrication des fusils, alors que la chose s’avère être tout un art, avec des critères a respecter, notamment en termes de sécurité. A ce propos, nombreux sont les cavaliers qui ont été victimes de fusils fabriqués par des amateurs », indique Ali Haddadi. Et de préciser : « J ai assisté a un événement où il y a eu 27 accidents causés par des fusils ne respectant aucune norme. Les conséquences en sont déplorables : certains ont perdu la vue, d’autre un doigt ou toute la main.
D ailleurs, je suis étonné de voir, de nos jours, des cavaliers tourner la tête vers l’arrière et tendant les bras au maximum pour éloigner le fusil avant d’appuyer sur la détente, chose qui dénote d’une crainte et d’un manque de confiance vis-a-vis du fusil. Aujourd hui, a travers ce salon, le métier est en train de reprendre ses droits, étant appelé a mieux s’organiser, et les résultats sont déja la, a travers aussi bien la participation massive des artisans que l’intérêt grandissant porté a notre métier ».
Pendant ce temps la, les visiteurs continuent de serpenter a travers les venelles du salon, ce dernier poursuivant sereinement son petit bonhomme de chemin, vers un succès encore plus retentissant que lors des éditions précédentes.
La SOREC et la culture équine
Pour sa troisième participation au Salon international du cheval d’El Jadida, la Société royale d’encouragement du cheval (SOREC), un des sponsors majeurs de cet événement désormais incontournable, a opté pour une thématique riche et captivante conciliant entre passé, présent et avenir. Situé au village institutionnel, le stand retrace l’ensemble des activités de la SOREC et des Haras nationaux, ses réalisations et ses objectifs, avec de nombreux clins d’œil a la riche histoire des courses et des chevaux au Maroc.
Ce souci de conciliation entre passé et présent, tradition et modernité, est reproduit au niveau de l’esthétique du stand où l’on retrouve une parfaite symbiose entre éléments décoratifs artisanaux et contemporains.
La dimension ludique et pédagogique n’est pas en reste, puisque les visiteurs du stand, petits et grands, peuvent utiliser une borne interactive, véritable mine d’informations, afin de s’initier au monde du cheval et parfaire leurs connaissances en la matière. Quizz et questionnaires ont été prévus afin de mettre la culture équestre des visiteurs a l’épreuve.
Abdelhakim Hamdane
Le Matin