Le voyageur qui vient pour la première fois a El Jadida découvre une cité agréable a vivre.
A l’entrée de la ville, si vous débarquez de Casablanca, ou de MAZAGAN, la nouvelle station touristique bien s»r, on est vite séduit par son entrée majestueuse, bordée de palmiers et de verdure, sur une chaussée large et très propre:
– Souriez ! Vous êtes au bord de l’océan atlantique !
Le jeune homme qui vous parle ainsi sur la grande avenue bordant la plage Deauville, en secouant volontairement son trousseau de clés, vous propose également un appartement en location dans un quartier périphérique de la ville.
N ayez crainte, il veut juste vous éviter les tracas d’un intermédiaire ou le prix exorbitant des hôtels de la place, avec l’acte de mariage a présenter en moins
Penchez doucement votre regard vers la droite, une magnifique plage au sable fin vous salue tout au long de votre trajet, El Jadida vous souhaite la bienvenue et vous convie a un séjour plein de belles promesses.
Mais ne vous y trompez pas, la belle parure qu elle vous exhibe a l’entrée n’est que la façade maquillée d’une cité qui cache bien des secrets, une ville dont le sort est tombée depuis au moins trois décades entre les mains d’une poignée d’élus sans scrupule, des hommes assoiffés de pouvoir, bâtisseurs d’une culture ou règnent en maitres la magouille et un matérialisme forcené, une réalité difficile a admettre par les enfants de la ville et les nostalgiques de la mythique El Jadida telle qu on l’a connu dans les années 70.
Des élus au banc des accusés :
A présent, venons-en a l’essentiel, a l’objet de notre billet et qui est matérialisé ces jours-ci par les récents griefs lancés par la Cour des Comptes au sujet de la mal-gestion des affaires de la ville.
« Les faits sont têtus » disait Illich Lénine, les magistrats ont relevé un certain nombre de lacunes plus ou moins graves entre 2004 et 2007, portant sur la gestion courante des dépenses et recettes, sur l’octroi des marchés publics et sur le patrimoine immobilier de la ville.
Tous ces manquements ont été commis durant l’avant dernier mandat. Vingt quatre personnes ont été convoquées pour répondre aux interrogations des magistrats, parmi lesquels un nombre important d’élus de l’actuelle équipe aux commandes !!!??
Mon ami HANBALI Abdallah a relaté dans son article « Dossier du mois : Spécial Commune d’El Jadida » dans le numéro d’Octobre-Novembre 2010 de “AHDATE DOUKKALIA”, tous les détails contenus dans le rapport des enquêteurs, article qui n’a épargné aucun des déficits aux règles de gestion des biens et des deniers publics.
Inutile de s’attarder sur les vrais coupables, sur les noms ou les commanditaires, sur ce qu il fallait ou ne fallait pas faire, sur les chiffres accablants. Le vrai problème tient de l’ordre de l’éthique. Il s’agit d’une pratique courante dans la gestion des affaires de la communauté. Tout décideur dans la longue liste des attributions municipales va trouver le moyen de s’approprier le maximum de richesses a partir de la transaction qui nécessitera l’apposition de sa signature.
Autrement dit, Je signe donc je mange
La corruption tient de l’ordre du culturel et du système de valeurs ambiant : celui qui détient une portion de pouvoir en usera pour s’enrichir avec les moyens qui sont mis a sa disposition, a fortiori les postes liés a la trésorerie ou a la caisse. Les exemples sont légion dans ce registre et les acteurs s’embourgeoiseraient en un temps record…
La mentalité « DAR LABASS »
Et le citoyen dans tout ça ? Le pauvre électeur, il dira au sujet d’un tel « DAR LABASS » et vantera ses nouvelles acquisitions :
-Il a acheté un appartement a sa femme, une voiture WW et vient d’acquérir un lot de 250 m « CHOUKA » et ensoleillé
Son état de frustration n’a d’égal que sa capacité a faire la même chose et pire peut être, pourvu qu il ait les mêmes attributions
Le voisin de ma mère a SIDI BOUZID vient de s’offrir la 4X4 qu il s’était promis d’acheter il y a quelques années et ce, grâce aux revenus que lui procurent les nombreux studios qu il a aménagés illégalement sur plusieurs étages, dans une ruelle censée contenir des bungalows d’un seul niveau, voire un étage supplémentaire quand le rez-de-chaussée est construit sur un niveau suffisamment bas. Ajoutez aux dérives architecturales le préjudice moral pour les voisins, un va-et-vient nocturne, un bal de débauche incessant a deux pas de la Mosquée. Inutile de s’étendre sur les constructions hors-la-loi de cette station balnéaire, car elles sont légion et ce n’est nullement l’objet de ce billet.
Feu Abdelkebir KHATIBI dit dans son dernier livre « le scribe et son ombre »: « Perplexe, le marocain a découvert le phénomène de la vitesse et de la trépidation. Aussi court-il pour arriver en retard et il arrive en retard par la faute de l’autre, toujours de l’autre ! On se décharge de sa faute par procuration magique. Regardez un conducteur devant le feu rouge : quand il ne le br»le pas, il s’arrête en le laissant derrière lui. Ne pas regarder la loi en face, telle serait la ruse voilée du Marocain. Le respect de la loi et sa transgression sont associés dans le même regard, le même geste ».
En vérité, nous sommes tous victimes d’un système de valeurs qui détruit le sens de notre vie et mènera indéniablement notre ville a la dérive. La mentalité « DAR LABASS » nous asphyxie dans un monde ou les autres sociétés prennent un élan d’émancipation qui sauvera indéniablement le présent et peut être les générations a venir.
La presse et ses responsabilités
Face a cet état de fait chaotique, dans le monde de la presse régionale, le silence est de mise. Les langues se sont tues depuis très longtemps, a part quelques voix monocordes qui bien souvent, se sont déliées pour un quelconque intérêt, dans un sens ou dans l’autre.
La langue de bois elle, sévit de manière criante dans la plupart des journaux et ce ne sont pas les louanges exagérés et narcissiques de certains canards qui me dissuaderont de dire le contraire. Les quelques plumes qui s’élèvent ça et la traitent de biais les vrais problèmes laissant souvent le lecteur sur sa faim.
Et le citoyen ? le contribuable, dans tout ce cirque ?
Il lui reste les yeux pour pleurer, quand il a tapé a toutes les portes sans résultat tangible, il finit par céder a la corruption ambiante et va préparer les quelques billets, parfois des millions de centimes, nécessaires a l’accomplissement de sa transaction.
Il s’exécutera, certes avec un moral meurtri, faute de trouver un autre choix pour le sortir de ces guets-apens qui pullulent dans les couloirs lugubres de notre administration locale.
Les exemples ne manquent pas et la dernière opération réalisée par la CGI au détriment des candidats pour l’accession au lotissement AL MATAR n’est qu un maillon d’une chaine d’injustices qui sont devenues hélas le lot de tous les jours. Dans cette opération-mascarade les lots mis en vente se sont envolés en un quart d’heure dans la matinée du samedi, au profit de monstrueux spéculateurs locaux ou pas laissant les pauvres candidats accrochés a un rêve qu ils n’atteindront jamais.
Les assemblées municipales ou la loi du « FAR WEST »
Au-dela des mots, inutile de fabuler, je raconte l’amère réalité que nous souffrons de vivre tous les jours. La scène se serait passée en séance plénière du Conseil Municipal, dans la grande salle de la Municipalité, la masse n’a de silencieux que le bruit assourdissant qui court dans les couloirs de la présidence, assurée ce soir par le premier de la longue série des intérimaires du jeune Maire, tous des pros de « la BOULITIQUE » !!!
l’ordre du jour : un vote important. Le jeune Président du conseil Municipal est absent ce soir, comme a son habitude. La salle regorge de monde et s’apprête a décider dans un climat qui semble défavorable a l’actuelle coalition dirigeante. Alors ! Alors, le Président de la séance de ce soir prend son courage a deux mains, rumine malicieusement la phrase fatidique qu il va débiter, après avoir balayé du regard une assistance rivale a ses intentions et s’écrie :
– BRHAYTOU TKAWLBOUNI OU !!!??
Souriez ! La camera est absente, elle aussi, immortaliser l’instant suprême ??
Admirez l’élocution Mesdames et messieurs, vous êtes en juin 2010, en face du Président effectif du conseil Municipal de la ville qui vient d’abriter le complexe ultra moderne « MAZAGAN BEACH RESORT », encore une énième injustice, d’un autre genre…
Comme vous venez de le remarquer, l’exercice du pouvoir dans ma ville bien aimée m est a la fois insupportable et indigeste, je préfère en rester la.
La suite de tout ça !!! l’avenir incertain et sarcastique de la cité martyre, l’Histoire avec un grand H, nous le confirmera.
Tarik Boubiya
AHDATE DOUKKALIA