Depuis l’indépendance, le Maroc a entrepris, dans le secteur de l’enseignement, une quantité incalculable de réformes. d’importants budgets leur ont été alloués mais aucune n’a réellement abouti. La crise chronique de notre enseignement ne s’explique ni par le hasard ni par les conjonctures défavorables. Elle est, a notre avis, la conséquence logique d’erreurs répétées, de décisions absurdes, de choix incompréhensibles et souvent même, impopulaires puisqu ils ont exclu les masses des avantages de l’instruction et de la culture. Il est temps d’en prendre conscience et d’engager des actions concrètes pour réparer une situation qui ne tolère plus l’attente. c’est dans cet élan que nous soumettons hâtivement a l’appréciation, nos observations et nos suggestions qui ne sont certainement ni parfaites ni exhaustives. Elles n’ont d’autre prétention que de s’adjoindre a celles d’autres citoyens qui connaissent ce problème pour avoir servi, a un titre ou a un autre, dans ce secteur et qui aiment ce pays parce qu il est le leur et qu ils ont le devoir de l’aimer et de le servir.
Si on remonte le temps, si on examine ce qui a été, en gros accompli, on découvre qu on a malmené notre corps éducatif, au nom d’innovations, de théories émergentes et fluctuantes, et a chaque halte évaluative, nous nous sommes retrouvés devant des bilans désastreux que des spécialistes de la propagande officielle présentent systématiquement comme des réussites exceptionnelles. Mais ces spécialistes se tiennent régulièrement a distance respectable de « ces réussites » puisqu ils en écartent leur progéniture.
Pendant ce temps, plusieurs acteurs éducatifs ont élaboré des rapports professionnels ou émis des opinions personnelles pour attirer l’attention sur les dysfonctionnements du système et proposer des solutions pratiques. Personne ne les a écoutés. Je crois même qu il n’a jamais existé une voie pour que leurs remarques et leurs propositions parviennent a un responsable et retiennent son attention, tant et si bien qu ils ont renoncé a toute tentative dans cette direction. Même des organismes internationaux ont tiré la sonnette d’alarme pour le Maroc. Cela a quelquefois suscité des réactions timides mais elles n’ont guère débouché sur des décisions tangibles.
Aujourd hui, le moment n’est plus a la recherche des causes, des responsables ou des impacts. Tout ceci est connu, depuis le temps qu on en souffre et qu on en parle. l’urgence, c’est la recherche de solutions efficaces et réalistes. De ce point de vue, une réforme qui aurait quelques chances d’aboutir, doit réunir un certain nombre de conditions de base et avoir en vue quelques principes fondamentaux que nous rappelons et énumérons.
– Pour sortir le pays de sa crise éducative, il convient de placer l’éducation en dehors de toute spéculation politique, car rien n’est plus pernicieux ni plus dangereux que d’utiliser, directement ou indirectement, ce secteur a des fins électorales dans lesquelles l’intérêt pédagogique général devient instable et sert seulement de prétexte pour gagner des batailles politiques. d’ailleurs, l’expérience a prouvé que l’approche idéologique de ce dossier l’enlise dans des difficultés insurmontables.
– Le contribuable marocain a droit au respect et doit être associé, a travers les médias et les élus, a la gestion de ses affaires. l’éducation en est une, et de taille. Il doit être correctement informé de la situation, comprendre le sens des décisions et participer a la recherche des solutions. Aujourd hui, il est tenu a l’écart. Il est désinformé. Il entend des discours qui ne correspondent pas a la réalité. Abandonné a un son sort, il se rabat, selon ses moyens, sur les missions étrangères ou les établissements privés qui ne le ménagent pas mais lui procurent, au moins, une assurance et une sérénité que l’enseignement public ne fournit plus.
– Notre pratique professionnelle nous a convaincu que notre enseignement est dramatiquement dépourvu d’un outil de communication permanent et cohérent. Une majorité de nos étudiants arrivent, chaque année et depuis longtemps, a l’université, sans possibilité de comprendre et de s’exprimer et l’on s’étonne des taux élevés d’échecs, d’abandons et d’incapacité d’intégration professionnelle. Il est, par conséquent, impératif de faire courageusement un choix, de mettre fin a l’absurdité et au calvaire linguistiques qui caractérisent notre enfer éducatif.
– Le bon sens courant veut qu on ne construise qu avec des outils fiables. Des enseignants sans formation initiale appropriée, sans formation continue régulière, sans conditions matérielles décentes sont incapables d’enseigner quoique ce soit. Aujourd hui, le secteur éducatif ne draine que des candidats désespérés et immotivés. c’est malheureux de le dire mais il ne sert a rien de cacher la réalité. La valorisation du métier passe par des formations professionnelles de qualité, par le confort matériel et par la dignité sociale du personnel. Si ces conditions se réunissent, il deviendra possible d’être rigoureux et exigent.
– A ce point, nous sommes tenté de prolonger encore notre liste. Nous aurions souhaité parler de l’errance de notre système éducatif qui n’a plus de vocation, de mission claire, en dehors de déclarations d’intentions vagues et générales. Mais nous sentons que notre lecteur ne pourra pas nous supporter davantage. Nous signalons seulement pour conclure, qu il faudra, sans plus tarder, assainir le milieu éducatif de pratiques malsaines et honteuses qui s’y développent. Il s’agit de ce que nous appelons, par commodité « le harcèlement pédagogique » qui consiste a imposer des heures supplémentaires payantes, indistinctement des besoins, du désir et des possibilités des élèves et des parents. Il s’agit de la triche qui prend des formes et des proportions alarmantes, a des fins mercantiles évidentes. Il s’agit de la transformation de l’espace public pédagogique en terrain de vices et d’insécurité.
– Dieu merci, il existe encore, au Maroc ou en émigration, des citoyens marocains, sages, intelligents et novateurs. Faisons appel a eux, accordons leur notre confiance. Nous sommes s»r qu ils ne décevront pas et notre Maroc se redressera.
Ahmed BENHIMA
Eljadida.com