Quand il nous a répondu, au bout du fil, de sa voix si discrète, passive mais pleine d’assurance, Monsieur Kamal Guendaoui nous confirma le rendez-vous fixe, pour une première rencontre de courtoisie et de reconnaissance. Perplexes, nous l’attendions, (moi et Driss) adossés aux chaises d’une table de chez “Tweeds”. Au bout de quelques minutes, une voiture s’arrêta et un homme vêtu en sport y descendit. Je me précipitais vers mon ami Driss Lebbat et lui disais, “c’est lui, j en suis s»r ! “Capitaine Kamal Guendaoui”, avais-je lancé sans réserve ! Le moment valait-il une telle indiscrétion ? Avec un sourire timide mais naturel, Le Capitaine, me répondait : “Oui c’est lui-même, mais bon soir, et Salam Alykoum..”. Discrétion, courtoisie, simplicité, cœur ouvert, esprit éveillé, mémoire vive, optimisme, patriotisme et citoyenneté, régionalisme et nationalisme, universalisme et humanisme. Tous ces adjectifs, lui vont a merveille, et bien d’autres titres, de noblesse, de reconnaissance, de gratitude et de modestie. “c’est vous qui avait “conduit” ce gros bateau surnommé “INTILLAQUA”, en plein mer, quatre mois durant, de La Chine au Maroc (au Port Jorf lasfar a El Jadida) ! Le capitaine Guendaoui, répondait, en conteur ou en narrateur rêveur. Voici son récit, rapporté avec une complicité, mais complaisance aussi.
“Notre départ vers la Chine (de Rizhao a l’extrême nord de la Chine) a été vécu par l’ensemble de l’équipage comme une croisière. Et le voyage n’a pas connu de surprise ni d’incident ! Arrivés a Rizhao, nous nous sommes empressés de prendre contact avec les responsables de la société chinoise, chargée de nous livrer le bateau” INTILLAQUA ” devenu propriété de la société marocaine DRAPOR. l’opération, s’est déroulée, loin des normes d’usage reconnues. c’est-a-dire suivant les traditions de la marine ! On a eu la relève au mouillage. Une fois l’équipage marocain a bord du bateau, l’équipage chinois a pris la clef des champs. Nous étions livrés a nous même. Ni consignes précises ni assistance technique adéquate. IL nous a fallut découvrir le bateau par nous même. Et je vous laisse le soin d’ imaginer une personne recevant un véhicule (qu elle a acheté via internet) en plein autoroute, ignorant les techniques de démarrage et celles relatives au reste des manœuvres !! Notre départ vers le Maroc, qui a été prévu le 25 Juillet 2008 fut reporté au16 Aout de la même année ! Les tractations bureaucratiques et certaines surprises techniques y ont été pour beaucoup.
Apres 2 jours de navigation, la météo nous annonça le passage d’un typhon (Le Nuri) qui se déplaçait a une vitesse de 12 nœuds, direction nord-est.
Nous nous dirigions vers le sud, ce qui signifiait que la catastrophe nous avait fixé rendez-vous ! Afin d’éviter un tel sort, on a été obligé d’effectuer des manœuvres anticycloniques, ce qui nous a aussi permis de gagner du temps. De Taiwan a Hong Kong et de Singapour au détroit de Malakka, la traversée était ennuyeuse. Mais un repos était mérité et ce détroit, nous a été dédié pour nous ravitailler et reprendre notre chemin ! Apres, nous nous sommes mis a la merci de l’Océan Indien avec ses moussons bombardiers (et c’était leur période). Dix huit jours d’affilée, a travers forces des vagues et peurs des longues nuits, routes maritimes incertaines et boussoles en constantes orientations imprévisibles, nous étions livrés a nous-mêmes, et a la miséricorde du Grand Dieu. Quand soudain le Chatt El Arabe nous accueillait ! Puis l’île de Sumatra : carrefour des pirates par excellence ! Et le Golf d’Aden. Une semaine d’alerte maximale (pour un équipage qui n’a jamais quitté les côtes marocaines (!!??). Notre radio recevait, 24h/24, des mises en gardes provenant de bateaux navigants sur “le corridor de la mort”. On a recensé plus d’une quarantaine d’attaques, effectuées a intervalles rapprochés par les pirates, maîtres des lieus (et des nœuds !). Ces derniers surgissaient de partout et de nulle part ! Notre bateau naviguait a une vitesse ne dépassant pas les 8 nœuds. Il était le moins rapide et facilement accessible (avec 1 mètre de hauteur).
Nous étions donc la proie inattendue et alléchante! La situation imposait une maitrise de rigueur, mais aussi un comportement spécial. J ai réussi a préparer psychologiquement mon équipage a toute attente. Encouragements, consignes de vigilance d’un côté, récompenses et promesses d’un autre. Notre patriotisme, notre abnégation, notre fidélité et loyauté a notre marocanité ont été pour beaucoup dans notre mobilisation. Le drapeau marocain flottant devant nous, nous soufflait le vent du sacrifice. Pas loin de nous, je distinguais un groupe de pirates a bord de 2 chalutiers russes (piratés probablement) et un remorqueur de château bleu. Les assaillants se servaient de matériels de haute technologie pour détecter les déplacements des bateaux navigants, ainsi que leur vitesse (GPS/AIS/UHF..). Notre habilité, et peut être notre ruse nous ont été d’un grand secours, puisqu on a réussi a déjouer la manœuvre d’intimidation visant a nous piéger ! La forme du bateau “INTILLAQUA” y était pour beaucoup. Avec une hauteur de plus de 22m et une longueur de 94m sur une largeur de 16m et un poids de 3070 tonnes, plus des moteurs de 3500×2 de puissance, notre bateau inspirait la crainte au pirates. l’ont-ils pris peut-être pour un patrouilleur militaire ! c’était un moment décisif, un temps mort où ont a frôlait la Mort. l’idée d’allumer tous les coins de notre engin et hisser une banderole portant l’expression suivante : ALLAH AKBAR (en arabe) a sa droite, était aussi géniale.
La nuit nous portait conseil, mais d’autres pirates ont essayé de prendre la relève, en nous abordant cette fois de face, prétendant que des filets de pêche risqueraient de toucher notre hélice, et il nous conseillait de prendre une virée a notre droite ! Suivant ou répondant a mon instinct de marin et de capitaine rodé, j ai effectué la manœuvre demandée, mais complètement a gauche ! Une fois encore mon équipage et mon bateau sauvés de justesse ! Mais ce n’était que partie remise. Car vers minuit, 2 chalutiers assaillants ont essayé de nous accoster par surprise.”Ca serait le tout pour le tout” me disais-je. “On ne doit pas nous faire prendre, nous les marocains !” Avais-je assommé les membres de mon équipage. On doit arriver, saints et saufs chez nous a bord de notre bateau. Et vive le Maroc.
Des moments longs, lourds et cauchemardesques nous ont “piratés”. Mais je réalisais avec le temps que nous nous éloignions des pirates. “Chaillah a barakt elwalidine (que la bénédiction des parents soit avec nous) avait lançait une voix, parmi l’équipage. Dieu est tout Puissant, lui répondait presque tout le monde. Juste derrière nous, AL MANSSORA, un bateau égyptien lançait, en vain, des SOS. Il a été dépouillé par les pirates. d’autres bateaux ont été attaqués, malgré les appels lancés par eux aux autorités yéménites ! Leurs voix de détresse nous parvenaient via notre radio. “Ils sont armés de kalachnikov et portaient des RPJ” avait annoncé l’une d’entre-elle. En raison des successions des attaques et de l’impuissance des autorités yéménites, on a évité l’accostage au port d’Aden où l’on devait nous ravitailler. J ai préféré un arrêt a Djibouti.
La présence de la marine française nous inspirait confiance, quiétude et liberté ! Une semaine de repos a été méritée. Et mon équipage en a profité pour se ressaisir. En quittant Djibouti, le temps fut clément et une chaleur nous coupait le souffle. La mer rouge nous déstressait. Mais Le mauvais temps était au rendez-vous en plein Méditerranée. Une semaine de tous les go»ts a la merci des vagues, des tonnerres et nuits sombres et longues. Et comme le mal (ou les maux) n’arrive (ent) pas seul, nous avions découvert un clandestin au sein de notre bateau. Il avait profité de notre inattention durant notre escale a Djibouti. Sa remise aux autorités égyptienne fut une autre histoire !
Comme celle du bateau qui nous a touchés accidentellement, en nous ayant cause un long retard a Singapour ! Mais les vagues de notre Méditerranée nous ont rassuré et nous ont redonné se go»t de la vie, cette lueur d’espoir, mais aussi cet esprit de défi, de sacrifice. Il nous a encore une fois donné envie de naviguer !
Le capitaine Kamal Guendaoui s’arrêtait a plusieurs reprises durant son récit, pour nous préciser un fait, ou nous raconter certaines anecdotes qu il a vécu avec les membres de son équipages. Il nous a en plus, fait part de ses confidences, ses occupations du présent et d’avenir, ses projets associatifs, ses loisirs, mais son amour sans limite de sa M rezika. Nous vous promettons de vous faire découvrir, dans notre prochain article Guendaoui, le jdidi maître des hautes mers !
Mabrouk Benazzouz
Eljadida.com