A l’occasion de la journée mondiale de l’enseignant, j ai répondu, ce vendredi 05 octobre 2007, a six questions de Mlle Kenza Alaoui, journaliste au jounal “Le Matin”. A cause de contraintes techniques, Le texte de cette interview n’a pas pu être publié intégralement. Le voici pour les lecteurs d’eljadida.com, avec la gracieuse permission de Mlle K. Alaoui.
Question: l’enseignant, qui constitue le cœur battant du système éducatif n’a pas la place qu il mérite au sein de la société. Pourquoi ce « dénigrement » a votre avis ?
c’est toujours un plaisir pour un enseignant de s’entendre dire qu il est “le cœur battant” d’un système, en l’occurrence éducatif. c’est cela qu il doit retenir et percevoir comme une reconnaissance et une gratitude pour les services qu il rend. Malheureusement, des mutations sociales ont entraîné la dégradation des valeurs culturelles qui n’ont pas résisté aux pressions matérialistes. De nos jours, on évalue les individus en fonction de leurs fortunes. Or, celles-ci n’ont jamais été l’apanage des fonctionnaires, et des enseignants, en particulier. d’autre part, le progrès technologique a vulgarisé, démultiplié les sources d’information en matière d’apprentissage et réduit considérablement l’apport et le rôle des enseignants dans ce domaine. Cela explique, en partie, le “dénigrement” dont l’enseignant fait, parfois, l’objet dans certaines situations et c’est toujours avec peine qu il le vit, quand cela se produit. Toutefois, il ne faut pas dramatiser le phénomène car l’enseignant compense souvent par d’autres qualités (il reste un initiateur,un intermédiaire incontournable)..
Souvent on rend l’enseignant responsable de tous les maux du système éducatif, alors que ce fonctionnaire se considère comme une victime. Comment voyez-vous ce paradoxe ?
Aucun système éducatif n’est parfait et les causes des imperfections sont nombreuses et complexes. Il est toutefois, évident que l’enseignant n’arrête pas la politique éducative, n’élabore pas les programmes d’enseignement, ne désigne pas les manuels scolaires, ne détermine ni les horaires ni les effectifs ni même les modalités de travail dans les classes. Autant de facteurs qui sont a l’origine de l’insatisfaction des gens. Mais ceux-ci ne sont pas des experts. Il ne peuvent pas, a chaque panne, remonter a l’origine de sa cause. Ils ne voient alors que l’action de l’enseignant qui, de fait, assume une part de responsabilité lorsqu il commet des erreurs (absences répétées, devoirs non corrigés, notes attribuées arbitrairement, vente d’heures supplémentaires ) Cela peut arriver, c’est dans la nature humaine.
De quelle manière pourrait-on améliorer l’image de l’enseignant dans notre société ? Et a qui en incombe la responsabilité ?
Il est, a mon avis, urgent de repenser globalement l’éducation nationale. Il faut inculquer aux générations montantes des valeurs de civisme. Il faut leur inculquer des valeurs d’estime et de respect pour tous ceux qui effectuent un travail utile, aussi simple soit-il. Il faut reconduire les valeurs de respect entre enfants et parents, entre jeunes et personnes âgées, entre apprenants et maîtres. Ce sont des valeurs qui étaient courantes dans nos sociétés. Notre ouverture précipitée sur le monde nous en a fait perdre quelques-unes. Nous devons corriger nos erreurs . c’est une responsabilité qui incombe incontestablement a la société, a travers ses institutions étatiques et non étatiques ( le ministère de tutelle d’abord, ensuite les partis politiques, les médias et les ONG) .D autre part, le corps enseignant doit s’adapter a l’évolution , y prendre une part active et s’y trouver une fonction.
Que doit-on attendre d’un enseignant aujourd hui ?
Plus on respecte, plus on est exigeant. Pour ma part, j attendrai de l’enseignant qu il donne une image soignée et respectable de sa personne, de sa fonction et de sa condition a travers la maîtrise de son métier car aucun motif ne peut et ne doit l’en dispenser au risque de l’exposer au ridicule et partant, au ” dénigrement “, a travers la volonté de se perfectionner, de s’adapter aux évolutions et aux mutations. J attendrai aussi de lui une reconnaissance humble de ses possibilités et de ses limites et une prise de conscience suffisante de ses droits et de ses devoirs.
En partant de votre propre expérience, comment avez-vous vécu l’évolution ou le changement de l’image de l’enseignant dans la société ?
Personnellement, j ai eu la chance d’évoluer dans ma carrière et d’y pratiquer des activités pédagogiques variées. Pour autant, je n’ai pas manqué d’observer et de sentir le changement de l’image de l’enseignant dans notre société. Cette image a considérablement régressé. En effet, dans un contexte où prédominent les valeurs matérielles, le mérite culturel et scientifique recule automatiquement. Les enseignants de ma génération ont presque tous choisi l’enseignement par vocation. Nos cadets y viennent maintenant par nécessité et surtout, faute de mieux. Ils sont totalement démotivés. c’est une vérité dont il ne sert a rien de se cacher mais qui n’empêche toutefois pas d’espérer un changement vers le mieux.
Est-ce que le ministère de tutelle fait ce qu il faut pour valoriser l’enseignant ?
Je dois reconnaître d’une part, qu il est difficile de satisfaire les centaines de milliers d’enseignants que compte ce corps de métier et d’autre part, que le ministère de tutelle ne fait pas encore assez pour en valoriser l’image et la condition. Un enseignant doit pouvoir évoluer dans sa carrière et protéger, voire améliorer progressivement son pouvoir d’achat. Le ministère doit éradiquer les anomalies qui perdurent dans le système éducatif (une multiplicité de cas au sein d’une même catégorie d’enseignants, la stagnation des situations..) et créer un environnement favorable a l’ épanouissement de son personnel. Il lui suffit pour cela de mettre en application les recommandations du Projet de la Charte Nationale d’Education et de Formation qui a été élaboré par la Commission Spéciale d’Education et de Formation depuis octobre 1999. A quoi ce projet aura-t-il servi ?
Propos recueillis par Mlle. Kenza Alaoui, journaliste au quotidien “le matin”
Paru sur “le matin” du vendredi 05/10/2007 p.11
Ahmed benhima