Louange a Allah ; que les éloges et la paix soient sur notre Maître, notre Prophète et bien-aimé le Messager d’Allah Sidna Mohammed.
Bonjour tout le monde !
Mostafa Nawis est l’un des Mostafa Mazaganais qui ont notablement marqué la vie portuaire des années cinquante et soixante. Sa vie, ses activités et ses relations vont assurément nous permettre d’exhumer quelques souvenirs nostalgiques chers a beaucoup de Jdidis qui sont encore en vie, aimant leur ville natale comme leurs parents.
Il vient de la plèbe, faisait partie d’une famille qui tirait le diable par la queue, était un gaillard brun avec des cheveux frisés, portrait « craché » d’un brésilien, beau visage avec yeux noisettes, de taille supérieure a la moyenne, d’une silhouette élancée, svelte et sportif de surcroît.
Il habitait avec ses parents au « derb Lahlali » dans une vieille demeure située a proximité d’une « maison de passes ».
Cette maudite maison, dont la fréquentation outre mesure, a empoisonné la vie conjugale de nombreuses personnes mariées des deux sexes, appartenait a une dame sexagénaire, portant des habits traditionnels multicolores, un foulard imprimés sur sa tête a l’instar des femmes campagnardes turques, chaussant un « charbil » (babouches brodées), de petite taille et bossue par-dessus le marché, avait la voie rauque, cigarette toujours aux lèvres, connue de tous les Mazaganais vieux, jeunes et moins jeune, notamment les habitués de la débauche en cette période ; elle était proxénète par excellence, connue de tous sous le nom célèbre de « Yezza Mou Gaâboub », que Dieu-Tout-Puissant pardonne ses innombrables péchés.
Mostafa Nawis était un homme batailleur, a fait toujours preuve de pétulance; il a passé toute son enfance et son adolescence dans le port de Mazagan auprès des pêcheurs de tous âges, de diverses nationalités pour devenir, dans un premier laps de temps mousse, puis subséquemment mécanicien qualifié des moteurs des chalutiers, et ce grâce bien évidemment a son intelligence et sa persévérance, qui contrebalançaient amplement la culture qui lui manquait puisqu il n’a pas été longtemps a l’école.
Dans ce milieu malfamé des pêcheurs où la pédophilie est monnaie courante, on peut facilement avoir le vice du Kif, se donner a des actes pervers, si on n’est pas rusé et calculateur machiavélique. c’est un milieu a ne fréquenter que lorsqu on est vraiment pugnace et combatif. Mis a part son côté négatif, il faudrait avouer sincèrement que le métier de pêcheur, apprend le courage et le go»t du risque qui sont a mon sens deux qualités majeures pour défier un quelconque challenge.
Mostafa Nawis ne manquait point de se rendre chaque soir au Ciné-Paris-Bar appelé communément Cinéma Dufour pour rencontrer ses meilleurs amis : Alami le placeur du rez-de-chaussée (seconde), M hamed Chliha le placeur du balcon, Salah le caissier, Mostafa Stiti le serveur au bar du restaurant Le Paris tous ne sont plus la aujourd hui, que Dieu-Tout-Puissant bénit leur âme et pardonne leurs nombreux péchés.
A part feu Chliha qui avait une physionomie avenante, était un sportif avéré et profondément religieux, les autres une fois ensemble, ils se mirent a picoler en catimini, dans un cagibi du restaurant susmentionné, de peur qu ils soient perçus par Mme Dufour, et ce jusqu a une heure tardive la nuit a l’abri des regards curieux.
Signalons également en prime que le devant de ce même Cinéma affichant souvent « complet », très animé au moment de l’entracte, était aussi un lieu de rencontre très prisé de certains « homo », et quelques pécheresses ( par respect des morts, je m abstiens de citer des noms puisque la plupart ne sont plus la aujourd hui; que Dieu-Tout-Puissant bénit leur âme et pardonne leurs nombreux péchés) , qui attendirent impatiemment l’aurore pour, se mettre a dévaliser certains boutiques au « Souk Laqdim » (vieux marché), et par conséquent perturber pompeusement la tranquillité d’extravagants personnages atypiques du moment comme Kafayour, Lalla meryem et d’autres clochards noctambules, qui dormaient a la belle étoile toujours d’un sommeil de plomb.
Mostafa Nawis fréquentait assid»ment le célèbre café des pêcheurs (Qahwat Houata jouxtant le dépôt de vin de Haïmi), lieu favori des marins narré dans d’autres articles déja publiés, pour vivre quelques instants entouré de ses pairs qui, écoutaient non stop les succès d’antan de Abdelwahab, Slaoui, Farid, s’Mahane, Oum Keltoum,etc, se fendirent la poire, tous noyés dans une épaisse fumée euphorisante de Kif, en plein brouhaha des joueurs des jeux de dés, de cartes, de dames et de dominos.
Comme d’habitude, Mostafa Nawis avant de quitter les lieux, il se met a, fumer quelques Sebssi (pipes de Kif), boire du thé a la menthe concocté servi dans de grands verres comme le voulait la tradition dans ce café pittoresque, déguster du café épicé préparé sur une cafetière traditionnelle en cuivre, raconter souvent des histoires d’un aspect grand-guignolesque, dire des bobards, échanger parfois quelques anecdotes hilarantes avec ses camarades pêcheurs et mousses du port,etcetc
En dépit de ce qui vient d’être dit sur le mode de vie kaléidoscopique de Mostafa Nawis, ce personnage était pétillant d’intelligence. Ce dernier était a mon estimation un bon et fin joueur de football ; il participait activement a plusieurs matchs a la plage au reflux de la mer, où tout le monde jouait pieds nus comme les Brésiliens a la plage Copacabana. Ces matchs improvisés opposèrent souvent les pêcheurs et les mousses d’une part, a quelques équipes des quartiers de la ville de Mazagan d’une autre.
Il était beaucoup de fois photographe mobile réputé, travaillant pour le compte de feu Abdellah Souar avec qui il avait des rapports idylliques. Ce dernier photographiait les gens dans un premier temps en plein air, derrière l’actuel théâtre Afifi, ex-théâtre Municipal en face de l’arrêt de l’autocar de la CTM assurant la liaison Eljadida- Casablanc, en utilisant son appareil photo, qui n’était autre qu une sorte de volumineuse boite en bois posée sur un trépied. Peu d’années après, il s’est installé dans un local sis derrière les bureaux de la CTM.
Si Abdellah de visage hilare, était un personnage courtaud, de taille moyenne, bien peigné et cheveux a domination blanche, imbibés de brillantine, portant irrégulièrement d’épaisses lunettes, ses grosses moustaches bien taillées font de lui le sosie du célèbre chanteur et poète Français Georges Brassens ou celui de l’illustre physicien Albert Einstein ; il circulait toujours a moto en ville. Il avait de l’entrain, était constamment distrait, fort sympathique, considéré incontestablement comme le plus anciens et le plus chevronné photographe Marocain de la ville de Mazagan des années quarante, cinquante, et début des années soixante.
Malgré qu il n’a pas été longtemps a l’école, Mostafa Nawis qui menait en son temps, une vie pleine d’aventures rocambolesques, était d’une souplesse d’esprit extraordinaire, d’une grande intelligence qui étonnait plus d’un, polyglotte par-dessus le marché puisque le port de Mazagan était a son époque fréquenté par des chalutiers et pêcheurs étrangers, notamment des Espagnols et des Portugais qui sont a mes yeux et selon l’avis de tout un chacun, des pêcheurs rusés et chevronnés.
Je saisis cette opportunité pour signaler a la génération Jdidie d’après (l indépendance), que pendant la colonisation, certains agents des Autorités Françaises, ont créé avec l’aide de certains « collabos » et les « Moukaddam en particulier », une certaine animosité (sorte de lutte fratricide, que l’on pourrait qualifier selon le jargon populaire de SIBA ) entre les quartiers (drouba), dans le but de semer la zizanie qui allait pousser certains habitants peu nationalistes, a admettre que la présence de la France au Maroc était nécessaire pour rétablir l’ordre et la sécurité.
Pour preuve et selon mes souvenirs d’enfant : des attaques de notre “derb” qui ont tourné au pugilat pour des raisons futiles, ont eu lieu a plusieurs reprises, été perpétrées par des garçons malintentionnés venus d’autre “derb”, comme par ex. « derb » Sid Daoui, « derb » Ghallef.
De ces affrontements et échauffourées aberrants, nous sommes toujours sortis vainqueurs, grâce au cynisme, a la hardiesse et l’audace de Mostafa Nawis qui se présentait a chaque attaque comme un rempart pour la faire échouer.
En plus de son travail au port tantôt mécanicien des moteurs de chalutiers, tantôt interprète, Nawis était un excellent photographe, a travaillé un certain temps pour le compte de l’inoubliable photographe de Mazagan feu Abdellah Souar, que Dieu-Tout-Puissant bénit son âme. Les deux sont décédés sans qu on sache a qui ils ont confié les innombrables et anciennes photos prises par leur soin concernant la ville de Mazagan et ses habitants, notamment les atypiques parmi eux. Ces photos a la fois précieuses et rarissimes, pourraient a mon sens constituer un trésor historique d’une valeur morale inestimable.
Que Dieu-Tout-Puissant les ait tous les deux en sa miséricorde !
Elmoatafa ABDOUSS
Eljadida.com