Louange a Allah ; que les éloges et la paix soient sur notre Maître, notre Prophète et bien-aimé le Messager d’Allah.
Bonjour tout le monde !
Après avoir relaté les faits et méfaits des Mostafa Benaïssa, Zoufri, B haïbeh, Oueld Laouia, Oueld Ghannou, passons maintenant a la narration des hauts faits d’un personnage Mazaganais tout a fait exceptionnel de par sa rectitude et sa bonne conduite. Il s’agit en l’occurrence de Mostafa Ouldraïss ; âgé d’une trentaine d’années env. a l’époque (fin des années cinquante), était un homme de grande taille, de forte corpulence, sa coiffure, son visage, ses démarches ainsi que sa façon de soigner son look en général, étaient d’une ressemblance inouïe a ceux de l’acteur légendaire de cinéma, Johnny Weissmuller, qui incarnait jadis le rôle de « Tarzan ». Mostafa était peu bavard et souvent taciturne, probablement célibataire, fils unique et bras droit de son père ; un certain Monsieur respectable et bien estimé dans le milieu des pêcheurs Mazaganais.
A côté de son père, il a toujours fait preuve de constance dans ses activités gestionnaires de leur bateau de pêche.
Son père, un beau vieux, faisant a première vue la cinquantaine, se nippant la plupart des temps a l’européenne, coiffé d’un fez rouge (symbole de notabilité a l’époque) dissimulant soigneusement une tête qui n’avait que très peu de poils sur le «caillou » ; d’une taille moyenne élancée, avait un œil de lynx, éveillé et très regardant sur la gestion de ses affaires. Il avait comme pseudonyme « Raïs » (dans le sens maritime chef d’équipage d’un chalutier) ; aidé dans sa besogne par son fils, il était gérant et propriétaire de leur propre bateau de pêche.
Père et fils habitaient la même maison familiale sise au derb Hajjar (derb: quartier populaire), un des quartier des plus renommés et des plus respectueux de Mazagan, de par le nombre et la qualité de ses habitants ; parmi eux il convient a l’occasion d’en citer M. Driss Jetto ex-Ministre de l’Intérieur, Premier ministre de 2002 a 2007, M. Abdeslam Mesnaoui Mathématicien réputé internationalement, la famille Cheikh Lahlou dont les nombreux membres sont des médecins, des pharmaciens et hommes d’affaires, la famille Boukili dont les membres de la famille étaient considérés comme les premiers fonctionnaires de la Banque d’Etat de Mazagan ,etc. On y trouve également dans ce même « derb», les premières écoles primaires de filles et celle de garçons appelée communément « Dar ».
Ouldraïss était un solide gaillard, modeste et flegmatique, ses actions étaient suivies a distance respectueuse ; il fréquentait très souvent un des anciens cafés féerique Mazaganais dit café des pêcheurs « Qahouat howata », situé a proximité des bijoutiers (Deggaga), jouxtant le dépôt de vins de « Haïmi ». Ce même café pittoresque réservé exclusivement a certains patriarches du port, aux vieux de la vieille, aux pêcheurs de souche Mazaganaise, a d’autres pêcheurs étrangers, pour écouter non-stop des disques de Mohammed Abdelwahab, Farid Alatrach, Oum Keltou, Houssein Slaouietc, jouer le long de la journée et une bonne partie de la soirée aux différentes sortes de jeux de cartes, de dames, aux dominos (jeu dont l’histoire et l’origine sont peu connues ; il est très pratiqué en Amérique latine, considéré aujourd hui comme « jeu national » aux pays des Caraïbes.), qui s’esclaffèrent par moments, en dégustant du thé a la menthe concocté et servis dans de grands verres, du café épicé préparé sur une cafetière traditionnelle en cuivre; le tout dans une atmosphère étouffante de fumée du Kif, où la fumée de la cigarette n’a pas lieu d’exister.
Fumeurs et vendeurs de cette substance nocive qui n’est autre que le kif, y étaient toujours au rendez-vous dans ce même café « romantique »comptant une clientèle abondante et assidue, qui regorge de pêcheurs de tous âges, qui trouvent leur grand plaisir d’être dans un brouhaha général, au milieu d’une épaisse fumée euphorisante.
Orson Welles (1915-1985), acteur et réalisateur Américain de grand renom, qui idolâtrait le dramaturge de génie et poète Anglais William Shakspeare, a visité Mazagan en 1950 pour quelques prises de vues a la Cité portugaise (Borj qui a perdu un peu de son originalité suite a sa dernière restauration), lors du tournage de quelques séquences au Maroc de son film intitulé « Othello ou le Maure de Venise », qui est une adaptation de pièce de théâtre au cinéma de cet auteur Anglais tragi-comique, unique de son genre dans le monde artistique.
Dans ce film qui a connu beaucoup de problèmes d’argent, sorti aux USA en 1952, Mostafa Ouldraïs avec sa remarquable carrure d’athlète, a été désigné par Orson Welles lui-même pour jouer le rôle de principal figurant dans les prises de vues réalisées dans la Cité portugaise.
Ce film tourné en noir et blanc au Maroc, pour des raisons budgétaires, a eu le grand prix au festival de Cannes en 1952.
Contrairement aux Mostafa Mazaganais relatés dans mes articles précédents, Ouldraïss était un gentilhomme, jouissant d’une grande considération, méritant d’être congratulé de la part des gens qui l’ont approché. Sa participation très appréciée par le ban et l’arrière-ban dans ce film, réalisé par l’un des plus grands réalisateurs du moment, l’a rendu momentanément populaire a Mazagan, a un moment où les festivités et les activités surtout sportives dans la ville, atteignirent leur apogée :
-Jeux de Figaro a la plage ;
– Les foires au port, les kermesses ;
– Les majorettes, le scoutisme, sans oublier bien évidemment le cirque Ammar qui installait son chapiteau auprès du marché central, les « cirquo » et autres activités foraines a la place Moulay Hassan, au terrain de sport du Lycée Mixte (aujourd hui Lycée Ibn Khaldoun)etc, qui permettaient assurément a nous jouvenceaux de s’ébaudir.
Quels beaux souvenirs nostalgiques !
Je saisi cette opportunité pour signaler a l’occasion une chose qui m a toujours pesé sur le cœur, et créé en moi un certain dépit : Démolition du Cazino de Mazagan qui n’a laissé derrière elle que des débris rongés par l’eau de mer. Quel gâchis !
Mis a part l’importance de la communauté juive Mazaganaise a l’époque, alors que l’influence de la communauté Française dans la ville de Mazagan était plus éminente vers fin des années quarante et début des années cinquante. Elle était charmée par le courage, la générosité, la gentillesse et l’intelligence des Doukkalis, ainsi que la beauté de la ville du fait de son climat doux, de l’étendue de ses belles plages, de son splendide Cazino qui valait le détour, dont la démolition (raisons sécuritaires ?) a br»le-pourpoint de ce joyau a suscité l’amertume de nombreux Mazaganais qui aimaient leur ville comme leurs parents.
Parmi les forçats de la fameuse Prison agricole « Elâder » qui ont participé a cette démolition décidée par les Autorités de la ville du moment, il y a lieu de citer pour mémoire : Mahmoud, Pedmone, deux personnages réputés impénitents et a têtes br»lés des années quarante et cinquante dans la ville de Mazagan.
On apprend par ouï-dire que le Protectorat avait choisi de justesse Casablanca comme Capitale économique du Maroc, mettant ainsi en échec la candidature de Mazagan qui n’a pas fait long feu perdant ainsi ce privilège prestigieux. En tout cas, ce n’était pas cette qualification qui allait la hisser au pinacle.
Alléluia !notre ville que l’on aime par-dessus tout, reste et restera un centre balnéaire prisé par tous. A cet effet, le Gouverneur général Français Lyautey l’appelait « Deauville du Maroc » en faisant référence a la ville de Deauville en France.
Depuis que j ai quitté Mazagan en 1965, je n’ai eu que peu de nouvelles sur Mostafa Ouldraïs qui a beaucoup marqué toute une génération de mon âge par sa stature, sa droiture et son humanisme outre mesure.
D après de récentes et bonnes informations dignes de foi, qui ont notablement apaisé mon spleen, j apprends avec soulagement que Si Mostafa, est bel et bien encore en vie et jouit d’une parfaite santé.
J implore Dieu le tout Puissant de lui prêter longue vie et une bonne santé.
Elmoatafa ABDOUSS
Eljadida.com