Gaza, les torts et les travers…

GAZA, LE BLAME ET l’AMOUR
“Le blâme est toujours proportionnel a l’amour” Ahmed Chawki

La guerre a fait rage a Gaza.
La guerre a fait rage dans nos têtes, dans nos corps et dans nos cœurs.
Elle a dévoilé notre vulnérabilité et nos dérives.
Elle a ouvert et saigné nos blessures.
Et lorsque nos plaies nous ont fait trop mal, nous avons gémi dans un langage qui est devenu, a notre insu, a notre surprise, inaudible et incompréhensible.
Que nous reste-t-il d’autre a faire que de tirer des leçons ?
Alors, tirons les leçons.

La guerre suscite le dégo»t/la réaction suscite l’indignation

La guerre qu Isral a mené pendant trois terribles semaines (et continue de mener) contre le peuple palestinien a Gaza est cruelle et illégale. Comme celles qui l’ont précédée dans la région, elle s’est déroulée sous le couvert et avec l’appui inconditionnel de l’occident (1) et le silence pressenti des arabes (1) divisés, impuissants et maladroits.

Cette guerre a utilisé une force disproportionnée, des armes dévastatrices contre des cibles et une population civiles sciemment visées. Elle a étalé, cyniquement, aux yeux du monde toute l’abjection et l’atrocité dont l’Homme peut être capable contre son espèce. Le spectacle de l’horreur, de l’épouvante a provoqué, chez les peuples de la planète, une envie de vomir (2) qui a projeté les actes de protestations qui l’ont accompagné.

Dans cette guerre, Isral a utilisé des armes dont la seule suspicion, ailleurs, déclenche des poursuites, des sanctions et des répressions impitoyables. Les américains, leurs partisans et leurs protégés ont encore fermé les yeux sur les dépassements, sur les crimes avérés et répétés de l’Etat hébreux. Ailleurs, ils ont monté des scènes mensongères pour inculper, pour poursuivre et exécuter de manière arbitraire et expéditive.

La guerre appelle la réflexion

De toute évidence, ce conflit déclenché avec la création de l’Etat hébreux en 1948, a généré de part et d’autre, tant de drames, d’iniquités, de haines et d’amalgames qu il est devenu, aujourd hui, impensable de lui imaginer une issue pacifique immédiate. Notre texte veut seulement tenter l’effort de tirer des leçons des événements qui en constituent la trame. Il veut tenter de remettre a leur place des repères que nous croyions simples et communs tels “frère/ennemi”, “résistance/terrorisme”, “victime/bourreau” “autorisé/interdit” un peu comme quand on ouvre un dictionnaire ou quand on cherche la solution a un problème dans un manuel d’écolier. Le philosophe marocain, Mohamed Aziz Lahbabi nous apprend, dans son ouvrage “Du clos a l’ouvert” paru chez SNED en 1971, que cet effort n’est pas superflu car “l imprécision des termes crée l’imprécision dans les esprits et dans les rapports entre les peuples. Or la confusion en tout est source de malentendus et de discordesles mots se présentent, ou bien comme des concepts toniques pour l’entente des hommes, ou bien comme des explosifs de discorde et de haine.”

Le soutien des Etats/le soutien des peuples

En général, en périodes de conflits armés, les soutiens aux parties opposées se répartissent selon deux logiques différentes. Il y a d’un côté, la logique des Etats. Ceux-ci font abstraction totale des sentiments, défient délibérément la justice et la morale pour défendre leur allié. c’est le cas notamment des USA et de leurs associés européens dans les guerres de l’Iraq, de l’Afghanistan, et bien s»r dans toutes les guerres qu Isral a déclarées, parfois au Liban, plus souvent aux palestiniens. c’est aussi le cas des arabes qui ont, de plus en plus,de peine a cacher leur dépendance vis-a-vis de leurs protecteurs a qui ils cèdent leur liberté de choix et de décision au point de rentrer en contradiction flagrante avec leurs déclarations officielles et de se heurter violemment aux demandes et aux désirs de leurs citoyens.

De l’autre côté, il y a la logique des peuples que déterminent et façonnent les informations qui leur parviennent. Donc, tant qu Isral a monopolisé les médias dans le monde, l’opinion des masses populaires occidentales lui était totalement acquise. l’Arabe en général, le Palestinien en particulier, étaient a ses yeux des barbares haineux et menaçants, des tueurs de civils, des suicidaires dangereux. Isral s’en défend et en défend le monde civilisé.

Aujourd hui la situation a changé. Avec l’avènement et l’expansion des nouvelles technologies de l’information et de la communication, la voix des palestiniens est parvenue directement la ou elle était interdite, ignorée ou défigurée. Le texte, le son et l’image, a travers les stations satellitaires, a travers l’Internet et autres moyens ont permis aux habitants du monde entier de voir, de comparer, de juger et de choisir librement leur camp, autant que l’état de leur démocratie le leur permet. c’est cela qui explique l’apparition et la multiplication des actes et des manifestations de solidarité avec les palestiniens dans les pays où ils étaient auparavant inespérés et inconcevables. Ces peuples ont découvert que, au vu de toutes les législations, de toutes les conventions et de tous les types d’entendement, les palestiniens sont soumis a une aberration historique et a une injustice abominable (3). Ils ont admis que les opérations auxquelles ces palestiniens recouraient et recourent constituent leur défense. Celle-ci se justifie tout comme se justifiaient, par exemple, les résistances de la plupart des pays européens pendant la deuxième guerre mondiale contre les nazis. Pourquoi alors dénier ce droit aux autres ? Pourquoi s’obstiner a l’assimiler a du terrorisme ?

A l’origine, un corps étranger

La création de l’Etat d’Isral a constitué ” une naqba ” (un drame) pour l’ensemble des arabes et pas seulement pour les palestiniens. Elle réveilla, dans leur inconscient ce qu ils vécurent au XIIè. Siècle lorsqu une partie de Dar-al-Islam devint Etat ” infidèle”. Le peuple de Palestine, exproprié, opprimé et forcé a l’exil a spontanément appelé la solidarité et l’effort militaire de la “Umma”. Les gouvernements arabes, principalement au moyen orient, grisés par leur supériorité démographique et géographique s’étaient naïvement prêtés au piège de leur adversaire. Les discours véhéments de l’égyptien Nasser, par exemple, promettaient ” de
mettre fin a cette occupation et de jeter les juifs a la mer”. Il ne se rendit pas compte qu il proclamait un anti-sémitisme qu Isral allait utiliser avec habileté pour obtenir la sympathie et l’appui concrets des nations fortes, riches et influentes dans le monde. La guerre de juin 1967, qui dura six jours, se termina dans la défaite calamiteuse des armées arabes et la perte de vastes territoires qu ils ne récupérèrent jamais.

Un conflit a répétitions/ une solidarité en dégénération

On attribue a Einstein cette définition de la folie. Selon lui, être fou serait ” répéter une même chose et attendre un résultat différent”. Les hostilités contre les palestiniens se répétèrent, s’intensifièrent et rendirent pressante et obligatoire l’organisation d’une défense élargie a tous les membres de la communauté. Les arabes répondirent invariablement aux appels par des sommets festifs et des déclarations dérisoires qui les discréditent, qui mettent les palestiniens en désarroi et qui envoient, dans les rues, leurs populations en fureur. Par la suite, même ces réunions anodines sont devenues impossibles a tenir. « Désormais, le simple fait d’évoquer l’idée de tenir un Sommet arabe extraordinaire suscite moult conflits et surenchères qui dégénèrent parfois en antagonismes entre pays arabes ces différends subsidiaires tendent a reléguer au second plan les causes cruciales de la Nation, notamment et au premier chef, la cause de la Palestine. De même qu ils occultent le fond du conflit dans la région et servent du même coup les intérêts des vrais ennemis de la Nation. » ( Extrait d’un communiqué du palais royal de Rabat en janvier 2009 pour justifier la décision du Roi Mohammed VI de ne pas participer au sommet de Qatar)

Les démarches infructueuses de ces états, leurs communiqués futiles, leur complaisance criante et inopportune avec l’ennemi révèlent l’état avancé de leur dépendance et la gravité de leurs divergences. Leurs réunions provoquent systématiquement l’indignation et la colère, voire l’hystérie des populations. Alors pourquoi se réuniraient-ils ? Les plus sages s’abstinrent.

Deux poids/deux mesures

Les instances internationales officielles chargées de veiller a l’application du droit sont restées, précisément dans ce conflit, sourdes et muettes. Quand elles ont réagi, elles ont affiché une partialité désolante et honteuse. Citons pour, l’exemple seulement l’une des plus récentes, les déclarations du commissaire européen dépêché dans la région:

Très critique a l’égard du Hamas, le commissaire a exclu tout dialogue entre l’Union européenne et un “mouvement terroriste” qui tue “des civils innocents” et refuse de reconnaître Isral. “Nous ne pouvons accepter que la manière dont le Hamas se comporte soit confondue avec de la résistance (…) Il a raté une opportunité d’être un interlocuteur de la communauté internationale et a été ce faisant indiscutablement un élément de la division du peuple palestinien.” (4)

M. Le commissaire déplore la mort des civils innocents

Nous partagerions avec lui volontiers ce sentiment s’il reconnaissait que les civils tombés sont environ 1500 d’un côté, 15 de l’autre, que les uns sont abattus avec des armes de destruction massive, formellement interdites, principalement par les pays qu il représente, les autres avec des roquettes artisanales. Précisons toutefois que nous ne sommes pas amateur de statistiques macabres et que, a nos yeux, de quelque côté qu ils tombent et indépendamment de la nature de l’arme qui les tue, les civils sont des civils et ils sont innocents.

M. le commissaire a exclu tout dialogue entre l’Union européenne et un “mouvement terroriste” (le Hamas).

Qu il nous soit permis de lui signaler qu il commet une incohérence lamentable. Si les assassins des civils sont, a ses yeux, réellement des terroristes avec qui il faut s’interdire de s’entretenir, Isral est , de ce même point de vue, mille fois plus terroriste et par conséquent, c’est avec cet état qu il devrait s’interdire de dialoguer.

Par ailleurs, M. Le Commissaire sait pertinemment que, abstraction faite de nos opinions sur ce mouvement, il ne reste pas moins vrai que celui-ci est arrivé au pouvoir a la faveur d’élections libres et démocratiques et que les pays qui refusent maintenant de traiter avec lui violent les règles élémentaires du droit international et du droit tout court, dans la mesure où ils boudent et bafouent la volonté des électeurs qui l’ont choisi. Ces mêmes pays européens montrent, par ailleurs, une complaisance curieuse et choquante avec des responsables qui trafiquent allégrement les élections chez eux. Ceci ne semble pas gêner ces européens quand ils traitent avec les gouvernements qui naissent de ces mascarades. Comment dans ce cas, M. Le Commissaire veut-il être crédible aux yeux de ses concitoyens et, a plus forte raison, a nos yeux ?

Le chaos/la clarté

Paradoxalement, dans le chaos de la guerre beaucoup de choses sont devenues plus claires.

Dans les affrontements armés, ce sont toujours les populations civiles qui payent le plus lourd tribut, et dans le cas qui nous intéresse, le Tsahal a montré un engouement particulièrement marqué pour le massacre des enfants, des femmes, des vieillards et pour la démolition des maisons, des écoles, des mosquées et des hôpitaux. Son excuse, c’est qu il n’a rencontré aucune armée ou équipement militaire sur son passage.

Je ne suis pas un stratège. Je ne sais pas gagner les batailles. Si j avais ce secret, je les gagnerais ou les ferais gagner. Je ne perdrais pas mon temps a le dire ou a l’écrire . Je sais seulement qu une guerre juste est tôt ou tard gagnée et que nos véritables ennemis ne sont pas les juifs, n’en déplaise aux ignorants ou aux amateurs des amalgames. Les juifs sont souvent nos concitoyens et nous avons, eux et nous, coexisté en harmonie parfaite. l’histoire et notre vécu l’attestent sans ambiguïté. Nos véritables ennemis sont l’impérialisme et le sionisme, responsables de nos misères et de l’effusion de notre sang.

Je ne suis pas belliciste et j écarte de mes calculs toute option de la guerre. J opte plutôt pour la promotion d’une culture de la paix. c’est une entreprise tout a fait possible, tout a fait réalisable avec ceux qui ont dénoncé l’abus d’Isral et critiqué les complices et les complaisants au nom du droit et au nom des valeurs humaines partagées.

Nos frères palestiniens ont tout intérêt a se réconcilier pour affronter un adversaire commun. Il faudrait, nous semble-t-il, qu ils se regroupent derrière un seul homme pour déterminer et mener le combat juste et approprié a leur cause. Il faudrait, nous semble-t-il encore, qu ils cessent de se tourner vers ” les Grands ” trop partiaux ou vers les arabes totalement impuissants. Celui qui est dans les fers ne peut aider les autres a se libérer. Par contre, ils devraient compter sur la foi en Dieu tout puissant, renforcer les liens avec les gouvernements libres, les peuples qui ont montré une prédisposition a défendre le défendable, sans préjugés et sans ressentiment. Il faudrait, enfin, qu ils songent a gagner le combat médiatique. Il est le plus déterminant dans leur lutte pour la libération.

Crime et châtiment

Actuellement Isral est un état super protégé. Il se situe au-dessus de toutes les lois. Il défie l’ensemble des instances et des organismes internationaux. Est-ce un avantage ? s’il en est un, il ne peut pas durer indéfiniment. Ses protecteurs ne pourront pas financer perpétuellement ses caprices. Leurs peuples diversifient leurs sources d’information, évoluent, font des choix avec liberté, avec responsabilité, avec lucidité. Leur démocratie les autorise a réclamer des comptes justes, transparents et conformes aux principes du droit et a ceux de leurs démocraties respectives.

D autre part, les survivants des massacres de ” Bir Yassine, Chabra, Chatila ou Gaza” et leurs enfants se souviendront et demanderont, un jour, justice a l’Histoire. Nous sommes persuadé que ceux qui encouragent les sionistes dans leurs mésaventures les vouent a la haine abominable des nations libres et les exposeront, plus tard, a la vengeance implacable des rescapés et de leurs descendants. Ceux-ci sont les semences du châtiment qui poursuit les bourreaux et qui les attrapera s»rement. Tel est l’enseignement de l’Histoire.

Que Dieu nous garde de la “Fitna” et ouvre nos yeux sur nos faiblesses.

Ahmed Benhima
Fait a El Jadida le 05/02/2009

Notes :

(1) Par Occident et arabes, nous entendons les gouvernements.
(2) Allusion a un texte de A. Khatibi : « Vomito blanco » Union Générale d’Editions (10-18) 1974.
(3) “Selon le philosophe anglais Bertrand Russel, l’antisémitisme est né avec le christianisme. On ne le connaissait guère auparavant. Du jour où le pouvoir de Rome s’est fait chrétien, il est devenu antisémite” Dans .” Ma conception du monde” Idées, nfr 1962, p.144
L’holocauste est l’œuvre des occidentaux et ce sont les palestiniens qui en font aujourd hui les frais.
(4) Louis Michel, commissaire européen – lundi 26/01/2009

Ahmed Benhima
Eljadida.com

Auteur/autrice