Journaliste, auteur, éditeur, JP Péroncel Hugoz en visite a El Jadida, Il en dit plus

Originaire de Marseille, JP Péroncel-Hugoz a accompli au « Monde » l’essentiel de son cursus journalistique. Correspondant permanent au Maghreb puis au Proche-Orient, chargé a la rédaction parisienne de la Francophonie, Grand-Reporter 1envoyé vers une centaine de destinations internationales, il est aujourd hui membre honoraire de la Société des Rédacteurs du « Monde » fondée jadis par Hubert Beuve-Mery avec l’appui du général de Gaulle. Auteur d’une dizaines d’ouvrages sur l’Islam, l’Orient, les pays du Sud, la France, parmi lesquels on retiendra notamment « Villes du Sud » et « Le fil rouge portugais », ( tous deux chez Payot-Voyageurs), JP Péroncel-Hugoz est également éditeur. Après avoir fondé a Paris, chez Balland, la collection Nadir (40 titres), il a créé a Casablanca, a la demande de l’éditeur Abdelkader Retnani, la collection orientaliste BAB (Bibliothèque arabo-berbère) qui en est a son quinzième titre et est centrée sur le Maghreb, avant tout le Maroc, et compte parmi ses auteurs aussi bien Mazahéri et Loti que Malek Chebel ou Boutros-Ghali.

En visite amicale a El Jadida, comme souvent pour se ressourcer dans cette ville dont il apprécie le charme et le calme, il s’est prêté volontiers a quelques-unes de mes questions.

ELjadida.ma : Vous aimez a venir a El Jadida, ville a laquelle vous avez d’ailleurs consacré plusieurs articles pour le journal français « Le Monde ». Qu est ce qui motive vos séjours dans cette ville et quel regard y portez vous actuellement?

J.P.P. Hugoz : c’est le hasard des reportages ordonnés par « Le Monde » qui, après 1980, m a amené plusieurs fois a El Jadida où je me suis particulièrement penché sur la présence portugaise a Mazagan car, en même temps, je poursuivais une recherche sur l’expansion lusitane a travers la planète, recherche qui m a permis de publier deux volumes. J ai tout de suite été séduit par le patrimoine naturel et archéologique d’El Jadida et des Doukkalas, des orangers centenaires de Mehioula aux remparts mazaganais, de l’antique minaret abandonné de Tit aux mystérieux tazotas que vous-même avez su mettre en lumière, notamment dans cette série de cartes postales consacrées aux Doukkalas éditées par la maison LIF Cette terre, ce terroir ont une saveur particulière mais fragile, et j enrage quand je vois le rivage atlantique, d’Azemmour a Moulay-Abdallah, semé de ces abominables « mikas » qui fichent par terre la noblesse des paysages doukkalis. c’est réparable, certes, mais pour le moment les dégâts esthétiques sont la

ELjadida.ma : Vous partagez votre temps entre le Sud de la France et le Maroc où vous résidez. Pourquoi ne pas avoir choisi El Jadida comme lieu de villégiature ?

J.P.P. Hugoz : Je réside en effet maintenant plus de la moitié de l’année près de Casablanca, car j ai, dans la métropole portuaire, mes activités éditoriales. Une implantation jdidie m aurait tenté si les routes marocaines avaient été moins dangereuses :10 morts et 200 blessés graves par jour dans le Royaume – chiffres officiels- , ça décourage de prendre le volant

ELjadida.ma : c’est cet intérêt que vous portez a cette ville qui vous a motivé pour rééditer « La femme de Mazagan » de Nelcya Delano?

J.P.P. Hugoz : Ce qui m a poussé a rééditer « La femme de Mazagan », c’est avant tout mon admiration pour la doctoresse Eugénie Delano qui, durant 30 ans, a partir de 1913, a la demande de Lyautey, a révolutionné la situation sanitaire de Mazagan, par ses innovations, son assiduité, son dévouement. Lisez les mémoires de cette femme, publiées en 1949, mémoires dont sa petite-fille Nelcya s’est en partie inspirée pour son livre ! Je regrette personnellement que la rue Docteur-Eugénie-Delano, près de l’hôpital d’El Jadida ait été débaptisée après 1956. La Toubiba, morte en 1951, avait tenu a être inhumée dans la nécropole chrétienne de Mazagan. J espère bientôt publier une deuxième édition marocaine de « La femme de Mazagan », sans les 80 coquilles que notre imprimeur a laissé passer

ELjadida.ma : Preuve aussi de votre intérêt pour tout ce qui touche El Jadida: Vous avez assisté récemment, a la librairie « Carrefour des Livres , a Casablanca a la présentation par Mustapha Jmahri, du livre qu il vient de publier « Le port d’El Jadida, une histoire méconnue ».

J.P.P. Hugoz : Comme il est assez rare de voir des Marocains s’intéresser au passé de leur pays, passé pourtant si captivant, j ai toujours soutenu l’entreprise de mon confrère Mustapha Jmahri de ressusciter le Mazagan d’hier. Les sept livraisons sur la ville qu il a publiées forment a présent une petite somme et j espère que leur auteur les refondra un jour en une « Histoire : De Mazagan a El Jadida », a la portée de tout public, en français et en arabe.

ELjadida.ma : Vous dirigez la collection « BAB », Bibliothèque arabo-berbère. Quels sont les objectifs principaux de cette collection ?

J.P.P. Hugoz : BAB a pour but de mettre a la disposition du public marocain francophone et de tous les lecteurs francophones du monde intéressés par le Maghreb d’hier et d’aujourd hui, des textes méconnus, inédits, de toutes nationalités, traitant de questions islamiques, nord-africaines, etc Dans BAB, un Persan nous parle de Bagdad a l’époque du Califat abbasside, un Algérien de la circoncision, un Egyptien de l’esprit chevaleresque chez les anciens Arabes, un Français métropolitain de l’Empire chérifien sous Hassan 1er, un autre Français, pied-noir celui-la, de la dolce vita casablancaise sous Hassan II, etcBientôt, BAB publiera un récit de la victoire marocaine de 1578 sur les Portugais, près de Ksar-el-Kebir, par l’historien marocain Nékrouf, des lettres r baties inédites du maréchal Lyautey, des contes berbérisants du XXIème siècle par un guide de montagne européen bon connaisseur de l’Atlas, etc

ELjadida.ma : Vous avez consacré une grande part de votre carrière de journaliste au monde musulmanUn choix délibéré ?

J.P.P. Hugoz : Au début ce fut le hasard des ordres et demandes du « Monde », puis j ai appris l’arabe dialectal égyptien, je me suis mis a visionner des films arabes, a aimer la musique populaire orientale, a publier des livres de voyages sur l’Egypte, le Liban, l’Algérie et ainsi de suite

ELjadida.ma : Vous avez également écrit un certain nombre d’ouvrages, consacrés a des thèmes particuliers, entre le carnet de voyage et le récit historique. Une façon de créer une distance encore plus grande entre les faits racontés et vous-même

J.P.P. Hugoz : Non, je voulais simplement en dire plus a mes lecteurs que ce que je pouvais mettre dans mes reportages. J ai voulu aussi, au fur et a mesure que le « politiquement correct » importé des Etats-Unis envahissait les médias européens, retrouver dans mes livres une liberté de paroles qui, depuis 25 ans, n’a cessé de diminuer dans la presse occidentale, notamment française.

ELjadida.ma : Vous écrivez encore et vous vous apprêtez a publierOn peut en savoir un peu plus !

J.P.P. Hugoz : Oui, j écris par exemple dans la Nouvelle Revue d’Histoire et également dans le mensuel souverainiste l’Indépendance où je tiens la chronique « l’Europe vue des Colonnes d’Hercule », car ces deux publications me laissent mon entière liberté d’expression. c’est dans ces deux titres que je parle souvent aujourd hui du Maroc historique ou actuel. Cependant, je mets a présent la dernière main a un essai entièrement consacré au Royaume alaouite : « Le Maroc par le petit bout de la lorgnette ». Plus tard, Inch allah ! j aimerais publier un recueil de mes reportages sur le Maroc d’hier, sous le titre « Je me souviens d’Hassan II».

ELjadida.ma : Enfin, vous avez été, au sein du Journal « Le Monde », comme aux côtés d’éminents hommes politiques français et étrangers, l’un des ardents défenseurs de la langue française dans le monde, et de la francophonie. Comment se porte-t-elle d’après vous aujourd hui ?

J.P.P. Hugoz : J ai été et je reste un défenseur et illustrateur, du moins je m y efforce, de la Francophonie ; et si j ai choisi Casa comme base arrière, c’est parce qu un Marocain sur trois parle a présent français, parce que la presse francophone y est foisonnante, sans parler de l’audiovisuel, notamment Medi-1 Sat. Je regrette seulement, a l’heure où 60 pays ont adhéré volontairement a la Francophonie, où 250 millions de personnes utilisent chaque jour, sur les cinq continents, la langue de Pierre Loti et du Jdidi Driss Chraïbi, que les gouvernements français, quels qu ils soient ou aient été, ne prennent pas assez en compte la nécessité de tenir la dragée haute a l’anglo-américanisation de la planète. c’est pourtant un beau combat, le seul a mon sens qui vaille vraiment la peine d’être mené aujourd hui par une plume française».

JPPH est chevalier de la Légion d’Honneur, croix décernée par le président François Mitterrand en 1993, et chevalier de la Pléiade, décoration décernée au titre de la Francophonie par Léopold-Sédar
Senghor.

Michel Amengual
Eljadida.com

Auteur/autrice