Je republie ce texte, pour les lecteurs de notre site. Il date de 2002 mais il conserve son actualité. Je le republie pour une deuxième raison. Chaque fois que je relie la Charte, je redouble d’estime et d’admiration pour ses auteurs.
1.GENERALITES SUR LA FORMATION CONTINUE (FC)
Je voudrais dire, en guise d’introduction, pourquoi le sujet de la FC revêt, a mes yeux, une importance capitale pour nous enseignants. La raison en est que dans notre environnement professionnel, il existe de façon quasi permanente des problèmes liés a notre formation. J en citerai ici deux:
D abord, il y a le vide en matière de FC. Il n’ y a pas de textes organisateurs, il n’ y a pas un service responsable de la FC ou une structure spécialisée au Ministère de tutelle, il n’ y a pas de budget affecté a cette action et surtout, il n’ y a pas de promotion automatique liée a cette activité. Les FC sont très rares et ne bénéficient, quand elles existent, qu a une infinité de fonctionnaires. On peut citer une formation pour l’éducation en matière de démographie, pour l’éducation aux droits de l’ Homme et pour l’enseignement de l’affaire locale. On peut également citer quelques journées ou demi journées de formation en rapport avec quelques disciplines d’enseignement. Ce sont les exemples les plus saillants mais ils n’ont pas laissé de traces importantes et n’ont pas fait l’objet de suivi régulier.
Ensuite, il y a des obstacles qui se dressent devant les personnes qui prennent leur destin en mains et essaient d’améliorer leur condition. A la longue, ces obstacles se sont érigés en véritable culture que j appelle la culture de la contrariété. Celle-ci est reconnaissable par certaines caractéristiques:
-Elle contrarie l’ambition professionnelle de l’individu et nourrit, chez lui, les sentiments de lassitude, de découragement, d’abandon et d’acceptation d’une condition culturellement misérable,
-Elle touche aussi bien les débutants que les anciens. Aux nouveaux enseignants enthousiastes, elle oppose l’ironie de l’entourage qui critique le zèle et le soi-disant gaspillage de l’énergie. Aux anciens, elle oppose les tracasseries administratives, les critiques moqueuses sur le lieu du travail, l’étonnement, la méfiance voire le rejet sur les lieux de formation,
-Elle se développe et se propage facilement a la faveur du vide laissé par les responsables de l’enseignement et de la formation que nous avons évoqués tout a l’heure.
Face a cette situation, des solutions prometteuses et appropriées sont apparues:
D une part, la Charte dont le rôle consiste a imaginer des solutions aux principaux problèmes qui minent notre enseignement, notamment le vide en matière de FC.
D autre part, des colloques, comme celui auquel nous participons aujourd hui (1), qui peuvent très probablement améliorer cette situation regrettable. s’ils venaient a se multiplier, a attirer les publics, ils les amèneraient a changer de comportement vis a vis de la FC.
Enfin, les plans d’action de certaines associations culturelles. Je citerai, aujourd hui , a titre d’exemple l’AMALEF (2) dont la vocation est de promouvoir l’enseignement et la culture du Français.
Après cette présentation du contexte dans lequel se situe la FC, j aimerais rappeler ce qu est la formation initiale (FI) parce que la FC ne prend de sens que par rapport a elle.
On entend par FI l’ensemble des opérations pédagogiques et didactiques (les programmes), par lesquels des enseignants donnent progressivement (selon les niveaux successifs) a des apprenants (élèves, étudiants)des savoirs (contenus disciplinaires) et des savoirs-faire (habilités, compétences) qui sont nécessaires:
-a leur réussite dans leur parcours scolaire et universitaire
-a leur intégration socioprofessionnelle (leur survie)
Selon cette définition, la FI est l’affaire des systèmes éducatifs officiels. Elle s’effectue au sein des institutions principalement publiques ou en tout cas sous le contrôle de l’Etat.
Aujourd hui on est quasi certain qu il n’existe aucun système éducatif parfait. Les raisons de cette imperfection sont nombreuses. Il y a celles qui varient en nature et en intensité d’un pays a un autre (problèmes de gestion, options ou contraintes économiques ou politiques) et il y a celles qui sont communes et généralisées. Parmi ces dernières, j évoquerai le problème du temps imparti a la FI.
De nos jours, le prodigieux progrès technologique aidant, les connaissances, dans tous les domaines du savoir, évoluent très rapidement et s’accumulent considérablement. Face a ce mouvement, le temps que n’importe quel individu peut normalement ou même exceptionnellement consacrer a sa FI ne peut pas suffire pour assimiler le volume impressionnant d’informations qui se rassemblent et se renouvellent périodiquement. Il est donc devenu nécessaire, voire vital, de trouver des alternatives et c’est ainsi que quelques-unes ont été conçues et adoptées:
-Prolongation de la durée de la scolarité (offre de la possibilité de rester de plus en plus longtemps a l’école)
-Fragmentation du savoir disciplinaire (multiplication des spécialités et des disciplines)
-Organisation périodique de stages de perfectionnement et de remise a niveau.
Actuellement on dénombre plusieurs formes de FC qui répondent a des possibilités, a des besoins et a dess publics variés. Celles-ci arrivent après au moins un premier passage dans la vie active:
la formation accélérée
la formation a distance
la formation alternée
la formation autodidacte
la formation complémentaire
la formation continue (dite quelquefois continuée ou permanente)
Chacune de ces formations a des caractéristiques spécifiques d’organisation mais toutes ont des objectifs identiques:
Elles aident l’individu a rester performant dans le domaine de son activité puisqu elles lui permettent de s’adapter aux changements et d’éviter l’obsolescence de ses connaissances.
Elles lui assurent une qualification professionnelle de plus en plus élevée.
Elles lui offrent, parfois, l’opportunité de changer totalement d’activité ou de métier.
2- LA FC DANS LA CHARTE:
A présent, revenons a la Charte. Nous avons dit que l’un des mérites de cette charte est de localiser les lacunes existantes dans notre système éducatif et de faire des propositions pour les combler.
Voyons maintenant quels projets de FC trouve-t-on dans cette Charte des point de vues :
– des catégories concernées
– de la nature de la FC
– des stratégies d’organisation
2-1 Les catégories concernées par la FC:
Le lexique que la charte utilise pour désigner les catégories concernées par la Fc’est abondant et varié:
“Travailleurs , cadres, apprenants, ensemble de population en cours d’emploi, fonctionnaires, employés, salariés, encadreurs, éducateurs, personnel de l’éducation nationale etc”
Ces termes ne sont pas systématiquement explicités mais leur diversité:
– marque l’ouverture de la catégorie, sans restriction, sur toutes les personnes actives, dans tous les secteurs d’activité, quand elles réunissent les conditions requises par les organismes employeurs.
– Actualise le métalangage de la FC. Celui-ci n’est plus axé exclusivement sur les formés mais aussi sur les formateurs et sur le processus même de la formation.
Pour la clarté de la présentation, disons qu on peut ramener l’ensemble de la population concernée par cette opération a 3 catégories principales:
Elèves (articles 43 a 47) ayant fait un premier passage dans la vie active, donc ayant subi un échec scolaire ou universitaire.
– Fonctionnaires et employés, avec une attention particulière pour les personnes en situation précaire, c’est a dire menacés de perdre leur emploi (article 53 )
– Enseignants, tous les niveaux confondus.
2-2 Nature de la FC:
La charte perçoit et envisage la FC en termes de droit, de devoir et d’objectifs.
– En termes de droit et de devoir:
” La réforme doit mettre en place les structure permettant aux citoyens d’apprendre toute leur vie durant” (article 6 )
” Le système d’éducation et de formation doit s’acquitter intégralement de ses fonctions envers les individus et la sociétéen leur offrant l’occasion de poursuivre leur apprentissage, chaque fois qu ils répondent aux conditions et détiennent les compétences requises” (article 7 )
“Les enseignants ont le droit de bénéficier d’une formation initiale solide et d’opportunités de formation continue” ( article 17 )
” les éducateurs et enseignants assument les devoirs et responsabilités inhérents a leur mission dont , notammentsuivre une FC a long terme.” (article 17 )
” Chaque cadre de l’éducation et de la formation devra bénéficier de deux types de sessions de formation continue et de requalification.” (article 136 )
Le devoir du système correspond automatiquement a un droit pour l’individu et pour la société.
– En termes d’ objectifs:
Répondre aux besoins en compétences
Permettre l’adaptation et le développement des qualifications
Assurer la productivité du tissu productif.
Favoriser la prévention de l’emploi et l’accès a de nouveaux métiers.
Améliorer les conditions économiques et sociales des apprenants (article 52)
Ce dernier objectif est très important puisqu il lie justement la FC a la promotion de l’individu. Par voie de conséquence, celle-ci fera partie intégrante du parcours du fonctionnaire ou de l’employé.
En résumé, l’ensemble des objectifs cités correspondent a une somme d’avantages:
La satisfaction de la demande
La sécurisation professionnelle
L’évolution de l’individu
Le maintien d’une formation d’ actualité
Le développement du secteur professionnel et l’évolution des métiers
Le développement et la promotion sociale.
2-3 Organisation et stratégies
Passons maintenant aux problèmes de l’organisation. Ici, la charte a prévu des modalités de fonctionnement qui varient selon les catégories concernées par la FC:
o Les élèves (articles 43 a 47 )
Il s’agit des élèves qui ont atteint le terme d’un cycle (le collège, le lycée ou le TC d’une université) et qui ont, pour la plupart, rompu leurs études pour intégrer un emploi. Ceux-la pourront bénéficier d’une FC:
– axée sur une spécialisation professionnelle
– sanctionnée par un diplôme dit:
Diplôme de spécialisation professionnelle
Diplôme de qualification professionnelle
Diplôme de technicien spécialisé
Diplôme de l’IST
Ce qui leur permettra
– de rejoindre le travail (sans doute dans de meilleures conditions)
– ou de continuer la formation
– ou encore de reprendre les études.
Dans cette perspective, la Charte marque une nouveauté de stratégie. En effet, une forme de récupération, de correction de l’orientation. Elle réduira l’échec scolaire et social et réhabilitera celui qui aura subi un échec.
o Les fonctionnaires (articles 51 a 59)
Dans le cas des fonctionnaires, la FC profitera a environ 20% de travailleurs par an dont les employés menacés d’exclusion pour cause d’insuffisance de formation. Ici, la charte joue, en plus de son rôle de promoteur, celui de sauveur et de récupérateur. Le contenu de cette formation sera:
Déterminé a partir des résultats des bilans de compétences (système dont la charte prévoit l’instauration) articulé autour de la logique du marché
adapté a chaque branche professionnelle
o Les enseignants (article 136 )
S agissant des enseignants, la charte prévoit deux types de formation qui correspondent a deux types de sessions:
Des sessions annuelles courtes d’ entretien et de mise a jour des compétences durant une trentaine d’heures .
Des sessions de requalification plus approfondies intervenant au moins tous les trois ans.
Le contenu de ces formations sera déterminé sur la base:
– d’objectifs adaptés aux évolutions survenues dans le domaine.
– d’une analyse des besoins et des attentes exprimées par les catégories concernées.
– des souhaits et propositions des intervenants dans le processus d’éducation et de formation.
CONCLUSION:
En guise de conclusion, j aimerais , d’une part, faire quelques remarques sur les propositions de la charte:
0- ses objectifs peuvent paraître très ambitieux. On peut même y déceler une sorte d’idéalisation dans les intentions (étendue du champ d’action, multiplication des objectifs, répétition des opérations)
1- cette ambition reste toutefois branchée sur la réalité parce que la charte propose des stratégies réalistes pour réaliser son programme de FC. On y trouve:
Un public cible:
a. Individus en cours d’activité
b. Individus en situation précaire.
c. Individus déchus et que la charte récupère par le biais de la FC.
Un dispositif local et temporel spécifié et adapté
Des moyens pour financer et concrétiser ces opérations dans la mesure où on envisage:
a. Le partenariat entre les autorités de l’éducation, les entreprises et différents partenaires sociaux)
b. Les subventions de l’Etat
c. Une partie de la taxe de la formation professionnelle.
D autre part, je dirai qu en dépit de tous ses efforts et de toutes ses précautions, la Charte n’est ni parfaite ni a l’abri des dérives. Citons a ce propos , le professeur Mohamed BERDOUZI, d’après un ouvrage paru aux éditions Renouveau au mois de mars 2000:
“Le texte de la charteouvre la voie non seulement a l’action pour l’appliquer mais aussi a la réflexion pour développer des formules originales et innovatrices, en vue de cette application même.”
Ce même auteur attire l’attention, a juste titre, sur les risques des principales dérives qui pourraient enliser la charte et sa réforme dans la routine, la tronquer ou la vider se son sens . Il s’agit du laxisme attentiste, de l’improvisation incongrue et de l’autoritarisme technobureaucratique.
Le texte de cette communication date du 15 Octobre 2002. Nous sommes déja a la fin de 2007.P lus de cinq ans se sont déja écoulés et malheureusement les dispositions de cette charte ne sont encore ,a ma connaissance, que des vœux, des projets qui attendent l’exécution, s’ils ne sont pas purement et simplement oubliées ou abandonnées. Mais ne perdons pas espoir.
Ahmed Benhima
El Jadida le 22/10/2007
(1) Le texte original de cette communication est paru dans :
« Actes du colloque : Formation continue et développement » organisé par : Groupe de Recherche de Formation et de Formation Continue de La Faculté de Lettres et des Sciences Humaines, Université Chouaïb Doukkali, El Jadida, éd. Dar Al Aman, Rabat,P.157 », actes coordonnés et rassemblés par M. TAHTAOUI Driss. Mais son contenu est, pour une grande part,encore valable en cette fin d’année 2007.
Il est antérieur a la fondation de l’AMALEF (Association marocaine pour l’enseignement de la langue française et des littératures d’expression française)
Ahmed Benhima – Inspecteur Principal de Franais