Le dernier cri du faucon

Il était l’honneur de ma tribu,
Et portait haut l’étendard des Kwassems.
Son regard conquérant forçait l’humilité
Quand sur ma main gantée il scrutait la campagne.

Je l’appelais Marjane ; il savait tout de moi,
Je lui disais mes peines et mes joies,
Je lui chantais le ciel et l’amour de ses proies,
Je lui contais les légendes d’autrefois
Et il me répondait de ses yeux de seigneur.

Il était le plus beau des chasseurs.

Ses ailes déployées glissaient entre les dunes
Et leur ombre portée figeait soudain la vie
Marjane s’élançait, en tenue d’amiral.
Avec un geste sec, – précision d’artiste ! –
Il clouait sa victime dans ses serres puissantes
Et revenait, vainqueur, déposer son trophée.

Ce jour-la – se sentait-il délaissé ?-
Il me regarda longuement, doucement,
Comme un amant blessé
Coupable de faillir a l’honneur des Kwassems.
Une étreinte dernière sur mon poing décharné,
Puis s’envola si haut que le ciel m éblouit.

Je n’entendis que lui, que son cri transperçant le soleil.
Il se laissa tomber comme une flèche ailée
Et son corps s’écrasa près de moi, en offrande d’amour.

Il était le plus fier des faucons.

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* La légende rapporte qu un faucon, humilié ou blessé, se suicide dans une crise d’orgueil.

Michel Amengual
Eljadida.com

Auteur/autrice