Malgré son statut privilégié de «première langue étrangère» et l’augmentation purement démographique de son taux d’utilisation, la langue française est mal maîtrisée à l’école marocaine par la diminution des compétences des locuteurs locaux au niveau de l’oral et l’écrit.
La situation du français au Maroc montre une incohérence de la politique linguistique du système d’éducation qui perturbe la maîtrise des langues chez les élèves et étudiants.
Comme nous l’avons observé, à la fin du 20e siècle le français est devenu plus ou moins l’apanage des classes socio-économiquement aisées, agissant ainsi comme un moyen de sélection sociale, selon l’expression de Boukous. Néanmoins, il est resté une langue largement répandue dans la société marocaine et la langue de choix dans de nombreux domaines. Au début du 21e siècle nous assistons à un changement d’attitude, semble-t-il, non pas un retour à la situation linguistique sous le Protectorat, où le français occupait une position privilégiée dans tous les domaines, mais à une sorte de bilinguisme pragmatique.
La Charte reconnaît que le Marocain moyen a besoin du français, et vise à l’enseigner de façon à ce que tout jeune Marocain puisse accéder aux études et aux emplois qui l’intéressent, sans préjudice linguistique. d’ailleurs, elle reconnaît que pour certaines matières, le français est un outil mieux adapté que l’arabe, quoique une rénovation de celui-ci est prévue, pour qu il soit à même de servir comme langue des sciences au même titre que le français. Suite à l’échec de l’arabisation, on veut éviter maintenant la solution apparemment simple, et l’enjeu de la Charte, selon Berdouzi, est le suivant: Assurer l’unité linguistique de la nation, par une langue arabe revivifiée et renforcée, tout en assurant son ouverture et son dynamisme cognitifs et technologiques, à travers un pluralisme linguistique assumé, avec maîtrise et sans complexe .Les orientations de la Charte semblent suggérer, ne serait-ce que timidement, que le Maroc n’a plus besoin d’avoir peur de la langue de l’ancien colonisateur. Personne au Maroc ne remet en question le statut de l’arabe comme langue nationale, mais aujourd hui on est assez éloigné de l’ère de la colonisation pour accepter la diversité linguistique et l’assumer, que ce soit la diversité régionale (acceptation des dialectes arabes et berbères) ou la présence de langues étrangères, notamment le français. Le rôle du français semble donc être assuré au Maroc, avec un apprentissage amélioré pour tout le monde, et une reconnaissance de son utilité dans les domaines des sciences, des finances et en général comme langue de communication avec l’Europe. d’autre part, pour l’avenir un peu plus lointain, la menace de l’anglais est réelle.
Au Maroc comme ailleurs on ne peut pas nier le rôle prépondérant de l’anglais au niveau international, et la Charte semble préconiser l’apprentissage précoce de l’anglais ainsi que son utilisation dans les branches spécialisées scientifiques. Actuellement le français garde une place privilégiée, pour des raisons historiques et géographiques, mais il y a peu de preuves que les Marocains sont attachés à la francophonie pour des raisons culturelles, et favorisent le français pour des raisons instrumentales, et d’autres études, indiquent également que le français est prisé surtout pour les avantages sociaux et professionnels qu il peut apporter. Même si de nombreux Marocains apprécient la culture française, cela ne les empêche pas de voir l’utilité d’apprendre l’anglais, qui leur donnerait encore plus d’accès au monde occidental.
Jihane Salim
Eljadida.com