Le « je » individuel, dual ou global

Il y a des « je » qui ne valent pas un pois
Des « je » qui bourdonnent sous l’effet de leur poids,
Des « je » qui jaillissent de l’amour courtois,
Des « je » qui actualisent argot et patois,
Des « je » qui fuient, jour et nuit, les fins de mois,
Des « je » qui pétillent au fond de la voix !
La mode, le langage, le savoir, le choix,
Qu on le sache, le « je » est roi avec ou sans lois !

Le « je », en se liant au temps et a l’espace,
Endosse, silencieux, une carapace !
Dehors, il prend l’allure d’un caméléon,
Changeant de couleur et de position !
Le « je » est un jeu mêlant défi, confiance,
Il se prête au singulier et au pluriel !
Selon les milieux, les liens de circonstance,
Il peut être dual, global, individuel !

Le « je » d’un général secoue un bataillon !
Celui d’un manuel décharge un camion !
Celui d’un intellectuel, au-dela des ponts,
Des partisans, accorde crayons et violons !
Le « je » de la nourrice qui veille la nuit
Pour que bébé puisse dormir dans son lit
Est plus pur que le miel, le lait et mon refrain,
Plus précieux que le sommeil du petit matin !

Qui façonne ces « je » au cours de l’histoire ?
Sous le feu des regards incendiaires,
Le « je » dual des mères célibataires,
Transcende le culte du territoire :
Le « je » dual – global a horreur du vide !
Devenu a la longue plus que sectaire,
Le « je » global du patriarche autoritaire
Signifie que le chef est toujours valide !

Le « je » en poétique est une prestance :
La muse aff»te paroles et styles ;
La musique déclenche danses et transes.
Ce « je » ranime bourgades et villes !
Le « je » du maître d’autrefois respecte autrui.
Ah ! Si on pouvait revivre cela aujourd hui !
Subtil, ce « je » impose trame et calme
Pour le plaisir et le repos de l’âme !

Le « je » charnel, au gré du spatiotemporel,
Du rituel, est ou perpétuel ou virtuel !
Plus proche ou distant des autres mortels,
Il gravite en douce autour de l’autel
Sans savoir dans quel drôle d’abîme
Mijote depuis fort longtemps sa dîme !
Individuel, dual, global, il imprime,
Exprime ou supprime mime et rime !

Le « je » est le plus beau parfum, le joyau
Qu on aimerait admirer sur chaque tableau !
Le « je t aime », cette savoureuse crème
Nourrit les cœurs de sa sève suprême !
Pauvres on l’était, riches on le devient,
Le « je t aime » est bel et bien parti de rien.
L’esprit et le corps s’attachent peu au décor :
Le « je t aime » vaut bien plus que des louis d’or !

Hommes et femmes sont humbles et fragiles,
Le « je t aime » leur donne des ailes agiles !
la croisée des regards et des chemins,
Que faut-il de plus pour resserrer les liens ?
Par le « je t aime » se propage l’estime.
Plus il y en a, moins il y a de crime !
Allons ! Pardonnons, accueillons a bras ouverts !
Autour de nous, ne faisons jamais le désert !

Tantôt paisible, tantôt téméraire,
Mon jeu des « je » dépasse l’imaginaire !
Impossible a caser dans un glossaire,
Il invite a agir au lieu de soustraire !
Mon « je » ne prétend a aucun prix littéraire
Mais espère, quoique intérimaire,
Offrir, sans compter, billets et numéraires
Au profit d’innombrables pensionnaires.

* Dédié a tous les pensionnaires de dix a cent ans.

Moussa Ettalibi
Eljadida.com

Auteur/autrice