J ai agréablement accueilli l’article publié dans l’Opinion du 23 Mai 2007 et repris dans des sites web “la Cité des Moudjahidines. Une évocation d’une page glorieuse mais oubliée de l’histoire des Doukkala”, article édifiant et savamment construit par Mr Michel AMENGUAL. Cependant, l’article nécessite quelques remarques que je veux partager avec l’opinion publique et pour lui dire tout simplement que le site n’est pas tellement inconnu mais bien méconnu et que des gens n’ont pas attendu l’ouverture de l’autoroute pour le voir et en parler.
Historique d’une connaissance :
Arrivant a Al Jadida en 1991, premier archéologue y travaillant depuis l’Indépendance -en civiliste a la Délégation de la Culture- j ai vite commencé mes lectures et recherches sur l’histoire et le patrimoine de Doukkala en particulier et du patrimoine maroco-portugais du Maroc en général. c’était par coïncidence que je fus affecté en cette ville, séduisante, et c’est ce hasard qui a fait de moi le premier marocain spécialiste du patrimoine maroco-lusitanien, alors que Professeur Ahmed BOUCHAREB, le grand lusitaniste, est considéré a juste titre comme le père spirituel de tous les historiens marocains spécialisés dans l’histoire commune du Maroc et du Portugal.
c’est dans l’Istiqsa de Naçiri que j ai connu pour la première fois, théoriquement, le Ribat Al M jahdine (Fahç Zemmouriyine) et Fahç Oulad Douib. Si je présumais que le second serait du côté du Sebt Oulad H çine (ou Oulad Bou aziz), le premier je le supposait situé derrière la Prison Al Adir et les pépinières situées a la sortie de la ville sur la route de Casa.
En 1992, un ami me ramène dans sa voiture sur le site d’Al M jahdine. Discutant du patrimoine des Doukkala et interrogeant mon ami sur des sites et monuments que je n’avais pas encore visités ou connus, et lui parlant d’un site qui devrait exister entre Al Jadida et Azemmour quelque part non loin de la route principale, il me parle d’un site au N-E d’Al Jadida. Le lendemain on était sur les lieux empreintant le chemin de Manar Sidi Mesbah, goudronné du temps du Protectorat. Je reconnais et j embrasse les vestiges d’un Ribat. Quelques centaines de mètres plus loin, je marchais pour prospecter la surface et pour entamer une enquête préliminaire. Cherchant le nom du douar non loin du site, un berger me répond sans ambiguïté “Douar Lemjahdine”.
De Nasiri au berger, du flair de l’archéologue aux caractéristiques architecturales des vestiges, je me trouvais bel et bien au milieu du Ribat Al M jahdine élevé par le célébrissime Sultan Sidi Med ben Abdallah (1755-1790). Le lendemain de notre visite, j ai envoyé un rapport de deux pages au Directeur du Patrimoine Culturel a Rabat.
En 1998 et suite a un article publié par mon ami M. JMAHRI attaché de presse a l’ORMVAD, une question orale au Parlement a Mr ACHARI soulevée par le Député Mustapha LAKTIRI me ramène de nouveau sur le site pour rafraîchir mes données et préparer les éléments de réponse a soumettre a Mr le Ministre. J ai alors loué un taxi, comme d’ailleurs j ai fais durant les neufs ans et demi pour aller travailler sur la Qasba Boula ouane, les Tazota, Madinat Al Gharbia, alors que pour me rendre a Qasba Oualidia et très souvent a Azemmour et Ribat Tit où j aimais me recueillir sur leurs remparts et minarets respectifs, je m infiltrai avec toute la joie d’un ethnologue entre marins et agriculteurs dans des taxi défectueux.
Toujours est-il que les discussions avec des amis de la place (LAKHIAR, CHAHID, BOUASRIA, TACHFINI,,,) nous ramenaient de temps a autre a évoquer Ribat Lemjahdine et tant de sites que nous connaissons sur le terrain ou uniquement a travers des textes.
Présent et devenir:
Mais que peuvent les intellectuels, les démunis !! La volonté politique est primordiale en matière du patrimoine comme pour la gestion de la chose publique. Quand on voulait faire passer l’autoroute, personne ne m a contacté pour prospecter les sites éventuels par lesquels elle allait passer. Si les ADM avaient contacté les services de la culture sur place, ces derniers n’avaient peut-être pas fait leur travail et devoir correctement. J ai quitté Mazagan pour Sijilmassa en Mai 2000.
Aujourd hui, Mr Michel AMENGUAL soupçonne, a raison et par le flair d’un journaliste habitué aux enquêtes, que l’autoroute avait “bouffé” des composantes et annexes du Ribat. c’est vraisemblable. Un Ribat, où a logé le Sultan lui-même et où ont vécu des moujahidines pour plusieurs moi entre 1768 et 1769, a une vie intérieure et un univers extra-muros et un arrière pays où l’on trouvera s»rement un jour du matériel archéologique important.
Pour cela, j aimerais exprimer a Mr Michel AMENGUAL toute ma gratitude Je me réjoui aussi d’avoir fait sa connaissance juste après mon retour a Jdida après sept ans passés au Tafilalt en tant que Directeur du Centre d’Etudes et de Recherches Alaouites (CERA) a Rissani et Délégué Provincial de la Culture a Errachidia. Maintenant que je suis de retour au bercail, j aimerais rassurer l’auteur, la population et les responsables que je ne ménagerais aucun effort, en ce qui est de mes compétences, pour promouvoir la question du patrimoine que j aimerais étaler sur la place publique. Le patrimoine et sa sauvegarde et revalorisation est une affaire qui regarde et interpelle tout le monde.
c’est dans ce sens que le premier projet auquel j ai pensé le lendemain de la passation des consignes ce fut un projet de sauvegarde et de réhabilitation du Ribat Al Moujahidine. Je suis donc entrain de faire m»rir et organiser mes idées pour ficeler un projet intégré et intégrant culture, économie et loisir pour que les ADM, les Ministères de la Culture, des TP et du Tourisme ainsi que les Autorités locales et la Commune soient tous convaincus de l’intérêt et de l’impact du projet. Mon projet devrait passer avec moins de difficultés avant le commencement des travaux sur l’autoroute. Maintenant que le chantier de la station balnéaire Mazagan commencera bientôt, le Ribat doit avoir droit de cité et bénéficier haut la tête de la dynamique induite par ce grand projet touristique et culturel.
Un site tel Ribat Al Moujahidine mériterait de notre part tous, responsables, élus et société civile, un intérêt particulier. Comme la place du 09 Avril a Tanger, le site de la Bataille des Trois Rois, la Mosquée d’Antsérabé entre autres, Ribat Al Moujahidine est un haut lieu de l’histoire du Maroc et un monument phare du patrimoine marocain qui n’a rien a envier a la Koutoubiya ou a Chella. c’est au Ribat lemjahdine que Sidi Med ben Abdallah en libérant Mazagan et le Maroc de l’occupation portugaise a scellé la naissance du Maroc moderne.
Aboulkacem CHEBRI
Archéologue-Restaurateur
Directeur CPML -Al Jadida-
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