Le vagabond, la face cachée d’une histoire (1)

C était un après- midi, d’une journée d’hiver de l’an deux mille, dans un café chic sur le boulevard, menant au centre de la belle ville du nord du royaume. Une pluie fine et continue rendait la place un peu morose. Trois hommes, un dénommé Hadj, un retraité des eaux et forêts, la soixantaine passée, habillé a la marocaine ; une djellaba blanche, une paire de babouche jaune et un tarbouche Watani et deux autres compagnons. Assis a la terrasse, autour d’une table, ils sirotaient des verres de thé a la menthe.

Un jeune homme, un vagabond, la trentaine environ, surgit sur le grand portail. Les cheveux longs et crasseux, a moitié nu, traînant une paire d’espadrilles trouées au niveau de ses orteils, murmurant des mots incompréhensibles. Il tenait sous son bras droit une bouteille en plastic, remplie d’un liquide jaunâtre. Il se dirigea vers la table des trois clients et sans l’avis de quiconque, il s’empara d’un verre, encore fumant et d’un trait avala son contenu puis le déposa sur la table d’a côté et prend le second sous les regards abasourdis des trois clients. c’était un aliéné mentale.

Sur la quatrième chaise libre de la table, il s’assoit. Il engouffra sa main dans la poche droite de son blouson et en sorti un paquet de cigarettes made in spania et un briquet. Avec ses mains mouillées et tremblantes, il alluma difficilement une cigarette. Il tira une longue bouffée tout en regardant longuement le hadj, sa main gauche posée sur son joue droit, comme s’il essayait de se rappeler de quelques choses, mais en vain. Il se lève, lécha ses lèvres et quitta la table pour une autre au fond de la terrasse. Il fut rejoint par le serveur, qui le tira par les manches de son blouson et le chassa dehors. Sans mot dire, il traversa la chaussée pour regagner une poubelle au coin de la rue. Au moment où, il fouillait avec ses deux mains le fond du récipient, des gamins revenant de l’école, s’acharnèrent sur lui. Ils jetèrent sur son corps mouillé tout ce qui tombe sous leurs mains. l’un d’eux, le plus âgé arriva même a lui substituer la bouteille en plastic et aspergea son liquide sur la tête du pauvre bonhomme. Il abandonna sa fouille et disparaît derrière un mur jouxtant un immeuble en construction, sous les cris des écoliers « Oua lahmak, oua lahmak ».

Quelques minutes après, il réapparaît a l’autre bout de la rue. Traînant ses souliers, alourdis par l’eau de la pluie, et toujours poursuivi par les gamins, il trébucha, glissa et tomba dans une flaque d’eau. c’était le moment idéal pour ces gavroches qui ne demandaient que ça pour entamer une danse enfantine, dans un fou rire autour du pauvre bonhomme. Au moment où ces gosses riaient et jouissaient de ce spectacle, un passant, un adolescent, a eu la gentillesse de le soulever et le mettre a l’abri de la pluie et des quolibets de ces mômes. Une femme au balcon de son appartement de l’immeuble d’en face, héla ce passant et lui balança une veste, un pantalon et une paire de souliers. Dans le couloir des escaliers de l’immeuble, a l’abri des regards, il fut habillé.

Du fond du café deux clients quittèrent, subitement les lieux pour rejoindre, l’aliéné au pied de l’immeuble. Ils l’embarquèrent dans le siège arrière de leur voiture et disparaissent personne parmi l’assistance n’a pu savoir la destination !!!

– Qui sont ces deux hommes ? Se demanda un client. !!!
– Peut-être des membres de sa famille, répliqua un autre a l’autre bout.
– Non, répond, le patron debout au seuil de l’escalier menant au resto d’en haut. Se sont des connaissances de son père. Ils sont de la vielle médina. Autrefois leurs parents habitaient le même quartier. Ils venaient souvent chez nous.
A la terrasse, le hadj, qui a assisté a la scène interpella ses compagnons :
– Connaissez-vous cet homme ?
– Non ! Répondaient les deux autres, presque instantanément !
– Connaissez-vous Hadj Mokhtar Jbilou ?
– Oui ? Et qui ne connaît pas Mokhtar Jbilou !….
– Cet homme, ce vagabond, c’est son fils. Il s’appelait Driss. Il est rentré de la Belgique où il y était étudiant en Médecine durant une dizaine d’années.
Il est revenu juste après la mort de sa mère.
– Mais, comment il est arrivé la ? Se demandaient les deux hommes ?
– c’est une longue histoire Répond le Hadj.

c’est ainsi que le retraité a la Djellaba blanche relata et en détail l’histoire a ses compagnons, avides de connaître l’autre face cachée de ce triste bonhomme. l’histoire de Driss, le vagabond, l’aliéné, le fils aîné de Hadj Mokhtar, Jbilou… (A suivre)


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