Quand mon téléphone sonna a 18h, ce samedi 9 aout 2008, et que mon ami de Tetouan A. Joundoul répondait a mon “Allô” par cette phrase…”c’est moi …Tu n’es pas au courant ? … Mahmoud Darwich est mort !” Et il le répétait, de sa voix si triste et si compatissante… Ma réaction fut inexplicable, Je zappais a la recherche d’un démenti… Mais l’information circulait déja a travers les chaines arabes et internationales. J ai réussi a me saisir et informer mon ami le poète Jdidi Said Tachfini… et celui de Ouarzazate Hakim Tekniouine, qui m a répondu “il n’est pas mort, mais dans le coma!”.
De Tetouan a El Jadida, et d’ Eljadida a Ouarzazate… le deuil est commun. Il l’est a travers le monde!
Avec la disparition de Mohammed Darwich, La nation Arabe a perdu l’un de ses plus noble conscience; Elle, qui a toujours salué le poète qui a su éclaircir la face sombre de l’occupation Israélienne et du colonialisme. La poésie pleure le fils de “La Terre” qui, lutant avec ses mots a magnifié la langue arabe. Said Tachfini récitait …
“Comment nous as-tu habité pendant vingt ans et as-tu disparu
Et ton visage est-il devenu dans le mystère comme le midi
(Mahmoud) secret comme le feu et les forces
Fais apparaître ton visage populaire en nous
Et lis ton dernier Testament ?
spectateurs dispersez-vous dans le silence
Et éloignez-vous un peu de lui pour pouvoir retrouver
En vous le blé et deux mains nues
éloignez-vous un peu de lui pour qu il lise son testament
Sur les morts… s’ils meurent
Pour qu il jette le trait de son visage sur les vivants, si vivants ils sont
(Mahmoud !) Mon frère
Tu es l’adorateur et l’adoré et le lieu de l’adoration”
Depuis qu il a été déplacé a l’âge de 6 ans (il est né en 1941 a Birwa), Mahmoud Darwich ne tient plus sur une place, l’homme est aussi vif, pressé, actif, que le poète est patient et contemplatif. Douceur infinie aussi, et fermeté subtile comme chez ceux qui ont réussi a unir la sagesse et l’enfance. Il a conjugué la liberté avec le moment, s’échappe par l’ironie, cette vertu tendre et forte, pour tout d’un coup être la, dense dans ses mots.
Il est considéré comme l’un des plus grands poètes arabes contemporains. Du Golf a l’Océan, et de l’Océan au Golf, sa parole déplace littéralement les foules lors des récitals qui se donnent souvent dans des stades archicombles! Il est aussi l’un de poète d’exception qui sait spontanément se situer au croisement de l’expérience individuelle plus intime et de la mémoire collective. Il est celui qui a forgé les chants de l’exil, celui qui a dit le temps suspendu, de dessiner les rêves, les regrets, les désirs d’une identité irréductible, il est aussi celui qui a renouvelé tous les thèmes enracinés dans la langue arabe, qui ne rompt pas avec la tradition, mais y puise juste assez d’énergie pour s’octroyer de nouveaux espaces, des espaces libres où la douleur se change en joie, et l’amour codifié en amour inspiré, sensuel, fervent.
Le grand Mahmoud Darwich était considéré comme “Le poète d’une cause”, “le poète de le résistance” ou “le poète de la Palestine”. c’est un fait, mais il refuse qu on ne parle de sa poésie que dans ce contexte, comme s’il était l’histoire en ver de la Palestine. Car Darwich n’a jamais cherché a devenir, ou rester un symbole de quoi que ce soit. Il aimait être libéré de cette charge très lourde. Mais il se sentait toujours par le fait que sa voix se multiplie, que son “moi” poétique dépasse sa personne pour incarner un être collectif. l’idéal pour lui serait de réussir une qualité littéraire et une grande diffusion, sinon a quoi servent les lectures publiques? Et pourquoi publier des livres si l’on peut se passer des lecteurs ?
Mahmoud Darwich ne lisait jamais sa poésie, et il ne la relie pas si bien qu il l’oubli parfois ! Cependant avant de la publier, il ne cesse de la réécrire et de la pointer. Une fois le recueil édité, il considérait qu il ne lui appartient plus, qu il appartient désormais aux lecteurs et aux critiques. Il avait déclaré une fois a ce propos: “Chaque fois que je publie un livre, j ai l’impression que c’est le dernier !”.
Mahmoud a toujours œuvré pour incarner le poétique dans ses poèmes, en essayant de maitriser l’architecture du poème et son système rythmique, et ce grâce a une possession propres de liens et techniques dont il détenait seul les secrets!
Poète de la résistance, il avait ordonné :
“Dépose ici et maintenant la tombe que tu portes
Et donne a ta vie une autre chance
De restaurer le récit.”
Et dans un autre poème (Etat de siége) :
“Pour notre patrie, butin de guerre
Le droit de mourir consumé d’amour
Pierre précieuse dans sa nuit sanglante
Notre patrie resplendit au loin, au loin
Elle illumine alentour
Mais nous, en elle
Nous étouffons chaque jour d’avantage ! ”
A Ramallah assiégée par Isral durant 2002, Mahmoud Darwich notait au jour le jour, en de très court poèmes, ses impressions sur une guerre de plus en plus atroces, des poèmes immédiats, de combat ou chaque fragment capte un moment, une scène, une pensée fugitive, il écrit :
“Dans le siège, la vie est l’intervalle
Entre le souvenir de son achèvement
Et l’oubli de sa fin”
Encore une fois, pour Mahmoud Darwich, l’essentiel est qu il a trouvé ainsi une plus grande capacité lyrique, et un passage du relatif vers l’absolu. Une ouverture pour qu il inscrive le national dans l’universel, pour que la Palestine ne se limite pas a la Palestine, mais qu elle fonde sa légitimité esthétique dans un espace humain plus vaste.
Et après avoir subi sa deuxième opération chirurgicale en 1998 il avait écrit :
“Tout était en train de mourir autour de moi (ce n’était pas sa mort propre mort) … nul n’est tout a fait mort… Il n’y a que les âmes qui changeaient d’apparence et de résidence”.
Il avait différé a plusieurs reprises son rendez vous avec la mort, il s’est posé des questions depuis, des questions importantes. Quel livre pouvait-il lire ? Comment est le soleil aujourd hui ? Quel vêtement va-t-il emporté avec lui en voyage ? Il avait soufflé a ses proches comme un prophète(!):
“Mes amis me préparent toujours un cérémonie
D adieux, une tombe confortable a l’ombre de chênes,
Une stèle en marbre inaltérable
Mais je les précède toujours aux funérailles
Qui est donc mort … Qui ?”
écouter Darwich parler, ou lire ses poèmes, découvrir par l’intelligence peut être belle, simplement a toucher le cœur. Sa poésie, virtuose, maîtrisée, sensuelle aussi, se go»te avec des picotements d’émotion sur l’échine, Sa musicalité n’échappe a personne comme sa façon particulière de transformer la métrique classique.
“J ai été créé ainsi qu il convient au poème d’exister”.
Mahmoud Darwich avait aimé n’écrire que des poèmes d’amour, mais le chant de l’écrivain Palestinien est d’abord un cri, celui d’un peuple voué a l’errance, a la guerre, aux trahisons et a l’eternel désir de “rentré a la maison”. c’est la guerre de 1967 qui a bouleversé les choses, elle s’installa au figuré, entre les deux corps; Elle aiguise une incompatibilité jusque la, inconsciente. Imaginant qu une soldate d’une armée de l’occupation israélienne arrête les filles du pays occupé (Palestine) cela ne pèse pas uniquement sur le coeur, mais sur la conscience.
La guerre de 1967 a rompu les relations affectueuses entre les jeunes hommes arabes et les jeunes filles juives. “Je ne crois pas possible la naissance d’un état Palestinien indépendant et souverain, si la colonisation perdure” n’a-t-il cessé de déclaré!
La poésie de Darwich, est un chant infini adressé, non seulement au peuple Palestinien, dispersé dans une diaspora, mais aussi au peuple juif ou plus précisément a sa mémoire. c’est un chant heureux qui réclame des uns et des autres de “Garder en mémoire, un peu plus de poésie pour arrêter le massacre”. Le rythme des mots, la puissance des images, le souffle de la passion d’un être pris jusqu a la folie de sa terre natale, la couleur des rêves au de-dela de tout espoir, font que cette voix est celle d’une belle volonté, un désir fou de vivre ensemble et d’abrégé l’éternité de l’exil.
c’est ce qui a mené Darwich a conseiller l’amour de la langue et a refusé le combat, en dehors des mots. Pourtant sa poésie n’est pas du genre militant, elle est mieux que cela et plus efficace, si toutefois la poésie peut être, que n’importe quel discours politique. En fait Darwich est poète dans l’âme, il vit le monde et le vit en poète, c’est-a-dire une exigence avec colère et émotion, c’est un visionnaire qui n’en peut plus d’accumuler les blessures et de rédiger des éloges funèbres de ses amis.
Selon lui, “la vrai poésie arabe est une poésie crique de la réalité arabe . Elle est en rébellion permanente contre elle même, elle ne cesse de se modifier, elle tend vers l’invincible sans trouver de solution”. Mais Darwich nous met en garde: “L intégrisme empêche la poésie de s’épanouir, son manichéisme sans appel ne convient pas du tout a la poésie, l’intégrisme a des réponses toute prêtes, le poète est celui qui doute et accepte l’autre. Il me semble que la poésie est liée a la paix, la poésie libère les sens, l’intégrisme les bride, la poésie humanise les prophètes, l’intégrisme les diabolise”.
“Ma poésie” précise Daewich, “ne se situe pas dans un espace limité et personnel, mais dans un espace large, sur le plan historique et géographique, elle constitue un voyage permanent entre culture, temps et espace. La poésie n’est pas seulement un instant de maturation, une révélation fulgurante, mais une pratique complexe qui exige du poète autant de vigilance critique que d’attention a ne pas y laisser emprisonner, car le savoir s’il n’est pas maîtrisé risque de brider. Je n’aspire bien entendu a être ni un symbole ni une légende. Je ne réclamais qu une lecture moins politique de mes poèmes. Je me vois surchargé de signes symboliques que je ne peux ni accepter tel quel, ni refuser. Aussi faut-il être a la hauteur du rôle et de la responsabilité que l’on m a confiée, je n’ai pas le droit de décevoir. l’expérience, associé a l’imaginaire poétique a façonné ma vision de l’avenir. Le politique dénué d’approche culturelle ou d’imaginaire poétique, demeure de l’ordre du conjoncturel. Si la poésie n’a pas d’espace humaniste, si elle ne touche pas l’humain, le texte est mort!”.
Nous l’avons bien dit en haut, “écouter Darwich parler, ou lire… c’est découvrir, par l’intelligence peut-être belle, simplement belle a toucher le cœur…”.
Nous continuons, et nous continuerons a l’écouter, a le lire, puisqu il aura toujours au moment venu, quelque chose ou des choses a nous dire Alors laissons le se reposer (il le mérite) afin qu il nous apparaisse, n’importe où et n’importe quand, monte sur son cheval/sa poésie…
Pour l’histoire jdidie, Darwich voulait bien être enterré au sein de sa ville natale Birwa (Palestine occupée) ou dans son petit village El Jadida (A l’est de AKKA)…
Photo: AFP
M. Benazzouz
Eljadida.com