Au début des années cinquante, la plage de Mazagan baptisée le Deauville Marocain par le Maréchal Lyautey, n’avait rien de commun avec la célébrissime Malibu Beach d’aujourd hui ! Pour veiller sur les baigneurs, point de jeunes hommes body buildés et d’ émoustillantes jeunes femmes siliconées en maillot rouge sexy, parlant a la radio-VHF, aidés dans leurs interventions par un acrobatique jet skieur.
Nous ne disposions a l’époque que d’un personnage pittoresque et très populaire auprès des enfants que nous étions : Larbi. Il régnait pendant tout les étés comme maître-nageur responsable de la sécurité de la baignade de la zone face a la rangée de cabines en dur. Nous étions intrigués par cet homme a la peau cuivrée, aux jambes arquées pleines de cicatrices. Tout en rondeur, il se déplaçait avec une démarche de catcheur, torse nu et coiffé de son éternel bonnet de joueur de water-polo. Sa douceur et son aura sécurisaient les parents qui lui confiaient la rude tâche d’apprendre a nager a leurs rejetons. J étais l’un d’eux.
Il avait mis au point une méthode en milieu naturel, basée sur la confiance extrême de ses élèves. A ses côtés, j avançais dans les rouleaux de l’Océan Atlantique jusqu a la limite de la perte de contact de mes pieds avec le sable. Alors de sa douce voix, la main ferme sous mon menton, il aidait a ma flottaison et surtout me permettait de respirer confortablement jusqu a l’arrivée d’une série de grosses vagues. En moins de trois séances, ce magicien nous donnait les rudiments pour nous déplacer comme une grenouille maladroite. La progression employée n’était pas académique mais le résultat était la et nous lui en étions infiniment reconnaissants.
Il nous aura aidés a ouvrir une porte vers un univers de liberté et de plaisir par l’accès a tous les jeux aquatiques. Ce véritable rite d’initiation a conditionné toute ma vie en enrichissant ma passion encore intacte aujourd hui, a soixante ans passés, pour les activités marines et surtout sous-marines.
Avec l’ouverture de la piscine de l’hôtel Marhaba, démarra sous l’égide du Service de la Jeunesse et des Sports, une école de natation « sérieuse », dirigée par Monsieur Malet et complètement orientée vers la compétition. Larbi restait cantonné a la surveillance de la plage, hissant parfois le pavillon rouge d’interdiction de toute baignade quand il estimait que la sécurité des nageurs était menacée. Un après-midi, un client du Marhaba fut victime d’un malaise et coula. Le jeune maître-nageur de l’hôtel de service ce jour-la, sortit le noyé pour l’installer sur le bord de la piscine.
Immédiatement nous sortiment du bassin, certains occupèrent le sommet du grand plongeoir pour regarder avec une intense curiosité la tentative de réanimation. Larbi, mystérieusement informé, quitta son sable pour le carrelage de la luxueuse piscine, traversant précipitamment la passerelle suivie d’une horde d’enfants. La pratique efficace du bouche a bouche n’existait pas encore. Le maestro prit aussitôt le relais en utilisant la bonne vieille méthode de l’époque qui consistait a appuyer fortement et rythmiquement sur ses mains, bras tendus, en compressant au maximum la zone pulmonaire du malheureux. Ce dernier émit un cri primal suivi d’un vomissement : il était sauvé.
La grande expérience de Larbi avait encore payée !
Au moment de terminer mon propos, je m aperçois que je savais peu de chose de cet homme discret et modeste. Quel était son prénom, par quelle administration était-il employé et quand nous a-t-il quittés ?
Larbi, quelques Magazanais te doivent la vie, beaucoup d’autres l’immense plaisir de savoir nager et aimer la mer. Où que tu sois, un grand merci pour ta générosité.
PS : il y aurait-il d’anciens Mazaganais qui posséderaient une photo de Larbi dans ses oeuvres?
Pierrot LARUE Mazagan de 49 58
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