Le 14 Novembre 2006, le conservatoire Al Mawcily Academia et avec lui la ville d’El Jadida, vibrait au son d’une musique classique de haut niveau; Avouons-le, ce fut un événement unique en son genre, écouter de la musique classique en Live a El Jadida, c’est très rare, cerise sur le gâteau, c’est une jeune Franco-Marocaine qui le donne, et ce n’est autre que la grande Monia Rizkallah qui, enchaînant des morceaux choisi avec soin (taxés de difficiles par quelques spécialistes présents), et interprétés de façon magistrale, a su enchanter une audience avide de tels événements sur notre ville. Ce concert, donné par Monia Rizkallah accompagnée par le pianiste Wolfgang Kuhnl, s’inscrivait dans le cadre de sa tournée a travers le réseau des Instituts français et des alliances franco-marocaines sur invitation de l’Institut français de Meknès.
Le parcours de Monia est exceptionnel, après plusieurs années de formation, elle est reçue en 1991 et a l’unanimité au conservatoire national supérieur de Paris, elle poursuivit avec succès l’enseignement de Pierre Doukan et Olivier Charlier pour remporter en 1994 le Premier prix de violon et musique de chambre. Plus tard, elle intègre l’Ecole normale de musique de Paris où elle poursuit ses études dans la classe de violon solo. En 1996, elle obtient le diplôme de perfectionnement en sonate. Elle remporte ensuite plusieurs prix européens dont la “FNAPEC”, la bourse Lavoisier des Affaires étrangères et la bourse de la vocation “Marcel Bleunstein Blanchet”.
En 1997, notre jeune artiste fait son entrée a l’Académie Mozart a Varsovie avec Grégory Zhislin. Une année plus tard, elle est admise dans la classe de perfectionnement de Thomas Brandis a Berlin où elle remporte le second grand prix du concours “Ibolyka-Gyarfas-Stiftung” avant d’entrer en 2000 a l’Opéra de Berlin “Deutsche Oper Berlin”, sous la direction de Christian Thielemann. La même année, elle sera invitée au Philharmonique de Berlin. Depuis 2002, Mounia Rizkallah est titulaire du poste de premier chef d’attaque a l’Opéra de Berlin. Monia n’arrête pas de se faire inviter, partout en Europe, notamment a l’orchestre de la Radio de Berlin, au Bayerischer Rundfunk a Munich, a l’Opéra de Hambourg et a l’opéra de Munich. Elle joue régulièrement (depuis 2005) a l’orchestre philharmonique “A.Toscanini” en Italie sous la direction de Lorin Maazel ainsi qu a Valence en Espagne a l’orchestre “Palau de arts” dirigé par Zubin Mehta. Un parcours impressionnant pour notre compatriote, fière de ses origines marocaines.
Revenons-en au concert du 14 Novembre; Personne parmi l’audience de ce soir la n’oubliera Monia Rizkallah, la femme, elle a su marquer les esprits du public par sa gentillesse, sa facilité d’approche et son humour sobre et captivant; Nous avons profité de sa gentillesse, afin de lui poser quelques questions ayant trait a sone expérience musicale, ainsi que sa dernière tournée a travers le Maroc.
Eljadida.ma : On sait que vous avez suivi une longue formation en musique classique depuis votre plus jeune âge, elle s’est axée sur le répertoire classique mondial, avez-vous un quelconque rapport avec la musique arabe?
Monia Rizkallah : J ai commencé mes études de violon a Bordeaux ma ville natale, puis a Paris, Varsovie et enfin Berlin. Les écoles de musique et conservatoires en Europe offrent d’abord un enseignement classique.
Au conservatoire national de musique de Paris, nous avions nos cours de violon, de musique de chambre, d’analyse, de chant, mais aussi des sessions d’orchestre et le choix entre plusieurs options d’initiations aux musiques du monde, il y avait le cours d’improvisation, de jazz, et même de musique indienne que nous jouions sur nos instruments respectifs, accordés au même diapason classique.
Il n’y avait pas de cours d’initiation a la musique arabe. Mon rapport avec la musique arabe est assez limité. Toutefois, j aime beaucoup danser sur du chaabi !
Eljadida.ma : Vous êtes chef d’attaque dans le prestigieux orchestre de l’opéra de Berlin depuis plusieurs années, est ce suffisant pour Monia? Quel est le futur pas a franchir?
Monia Rizkallah : J ai réalisé, en entrant a l’Opéra de Berlin, mon vœu le plus cher. Ce qui m intéresse, c’est la diversité de mon métier. Faire partie de cet ensemble m offre beaucoup d’opportunités : Jouer en chambriste, en trio, en quatuor, en soliste mais aussi jouer partout ailleurs dans d’autres orchestres comme le célèbre « Bayerischer Rundfunk » de Munich, l’Orchestre Philharmonique de Berlin ou le « Palau de arts » dirigé par Maestri Lorin Maazel et Zubin Mehta. Mon poste de premier chef d’attaque me permet de trouver le temps d’enseigner le violon avec la même passion que celle d’en jouer. A part pour une petite minorité, une carrière de soliste est devenue de nos jours, un peu périlleuse : pas de sécurité financière, (cachet après cachet) difficultés pour sortir un album, attendre les critiques, trouver le bon agent, la bonne presse. La carrière de soliste et ses coulisses sont semées d’emb»ches.
Eljadida.ma : Votre tournée au Maroc, s’inscrit-elle comme le début d’une carrière en soliste? Annoncerez-vous prochainement des concerts ou enregistrements en solo?
Monia Rizkallah : Mon prochain projet est de participer au Festival de BAYREUTH en Allemagne. l’été dernier, j y étais déja invitée. c’est un milieu très fermé. Pas de concours pour y être invité, c’est le bouche a oreille et au vu de la position que l’on occupe. Pour avoir une place en tant qu auditeur, c’est une liste d’attente de 6 a 7 ans. Pour rien au monde je ne troquerai une telle invitation et pas même pour un enregistrement. Je ne dis pas non plus qu il n’y aura jamais d’enregistrements en solo, mais actuellement j ai beaucoup a faire en LIVE!
Eljadida.ma : Est ce que vous envisagez de faire bénéficier les étudiants en musique au Maroc ou ailleurs de votre longue expérience a travers des ateliers ou des formations? Pensez-vous pouvoir proposer par la suite une méthode d’apprentissage propre a vous?
Monia Rizkallah : J enseigne le violon depuis de nombreuses années déja, et a l’Opéra, nous avons une académie où nous formons les jeunes au métier d’orchestre. l’enseignement est un travail très valorisant et passionnant. Lors de ma tournée au Maroc le mois dernier, j ai pu visiter les conservatoires d’El Jadida, Meknès et Agadir. Les élèves sont talentueux. La compétence de leurs professeurs n’est pas a mettre en doute. Meknès m a réinvitée au Maroc pour une master-class. Je serai très heureuse d’y revenir.
Pour répondre a votre dernière question, il y a de très bonnes méthodes d’apprentissage de violon sur le marché, je ne pense pas qu en écrivant une nouvelle méthode de violon, j aiderais mes collègues marocains. Si mon emploi du temps me le permettait, je serais déja sur place, a donner des cours de violon en personne.
Eljadida.ma : Durant votre tournée, vous avez s»rement côtoyé des étudiants, enseignants ou acteurs de la chose musicale marocaine, qu est ce que vous pensez du niveau de nos étudiants marocains en musique et du niveau d’apprentissage de la musique au Maroc en général? Pensez-vous qu en étudiant la musique au Maroc, nos jeunes lauréats peuvent-ils être compétitifs a côté de leurs homologues ayant étudié en Europe?
Monia Rizkallah : Une chose est s»re, ce n’est pas le talent qui manque a ces jeunes musiciens marocains. Nous ne pouvons cependant pas comparer ce qui n’est pas comparable. Apprendre la musique classique en France, en Allemagne ou en Italie, n’a rien de sorcier. Les moyens pour apprendre la musique sont la : Institutions, professeurs, matériel, nombreuses débouchées. Salles de concerts, bourses pour les étudiants (conservatoire de Paris) et surtout, chose primordiale : des orchestres et des programmes de concerts, où encore des concerts de musique de chambre…
Les élèves marocains sont motivés, ils désirent en faire leur métier. La musique traditionnelle offre-t-elle assez de débouchées? Pour moi, chanceuse, la question ne s’est pas posée, mais je me mets a la place de ces jeunes violonistes marocains, travaillant leur violon, dans quel but? Pourront-ils en vivre un jour? je veux croire que ce sera possible.
Eljadida.ma : De retour a Berlin après une grande tournée au Maroc, quels bons souvenirs gardez vous de vos différentes prestations sur les villes que vous avez visité?
Monia Rizkallah : J ai été très chaleureusement accueillie au Maroc. J ai vécu des moments inoubliables et ai fait des rencontres merveilleuses. Je ne peux citer tout le monde. La liste serait longue. J ai eu l’honneur de dîner en compagnie du très charismatique wali de Meknès Monsieur Aourid et de sa charmante épouse.
Monsieur Mohamed Riday m a ouvert toutes grandes les portes de son conservatoire a El Jadida, où j ai donné mon dernier concert. Il se bat pour ses élèves, ne vit que pour l’art en transmettant son enthousiasme et son savoir autour de lui. Je dois beaucoup aux instituts francais qui m ont permis de faire cette tournée, je salue toutes les équipes. Je leur en suis extrêmement reconnaissante.
De ma tournée, Je ne garde que de très bons souvenirs. Il ne me reste pas que des souvenirs, je cherche a aider concrètement ces jeunes musiciens marocains.
Je réfléchis actuellement a un projet leur étant destiné, mais aujourd hui, ce dernier n’est pas encore au point. Si je concrétise mon idée, je ferai en sorte que vous en soyez tous informés.
Eljadida.ma : Quel sentiment gardez vous pour le public jdidi en particulier?
Monia Rizkallah : Le conservatoire de Mohamed Riday est une sorte de magnifique riad. Les élèves et leur professeur avaient décoré la salle pour le concert, j ai joué dans une atmosphère très intime, très familiale. Le public m a offert 2 standing ovations. Si je le pouvais, je voudrais revivre cette ambiance tous les soirs ! J ai mes villes préférées et El Jadida fait partie de celles-la !
En préparant cet interview de Monia Rizkallah, nous avons recueilli les propos de Mr Mohamed Riday, directeur du conservatoire Al Mawcily Academia, ému, il nous a gratifié d’un commentaire très touchant sur le concert de Monia : “Comme tout amoureux de la musique, la grande, j ai été bien servi ce vendredi 14 novembre, le concert de Monia Rizkallah tant espéré a FINALEMENT eu lieu et j ai été doublement heureux puisqu il s’est déroulé dans l’espace de musique de mon conservatoire, qui a raisonné cette nuit la d’une musique sublime interprétée, d’une façon magistrale par notre chère Monia” et il continue “Ma fierté aussi bien que mon plaisir ont été multipliés, par le fait que cela soit une artiste de mon pays, qui a enchanté ce soir la un auditoire mélomane, avec un répertoire très intéressant et résultant d’un choix judicieux. J ai noté particulièrement le souci de la marocaine Monia, a y inclure des œuvres ayant quelques affinités avec la sensibilité arabe, telles que la rhapsodie de Ravel et les danses hongroises de Brahms, dont les tons s’apparentent a nos Hijaz et Kourd, encore plus, les œuvres telles que le tango de Isaac Albeniz (littéralement Is haq Bennis auteur du fameux Asturias repris par le non moins fameux Farid Al Atrache) et la danse espagnole tirée de la Vie Breve de De Falla auteur connu par son Amour Sorcier, qui a également inspiré une danse au compositeur précité (Farid) ont été d»ment et mieux ressenties par l’auditoire qui, a mon avis et suivant l’impression que j ai eue, a hautement apprécié”.
Propos recueillis par Driss Lebbat
Eljadida.com