La nuit tombe sur le grand lac du barrage Sidi Said Maâchou; les dernières branches encore visibles se mêlent aux silhouettes des chauves-souris. La vallée s’endort déja ensevelie dans les ténèbres et bercée par le coassement incessant des crapauds qui se répercute a tous les échos.
La rivière, séquestrée derrière des murailles de béton hermétiquement fermées, parvient miraculeusement a s’évader en se glissant lestement entre les lamelles d’acier. Elle s’en va trébuchante, titubante, a travers les sentiers de l’espoir. Plus elle s’éloigne, plus elle prend des forces. Elle divague par moment mais reprend vite son lit et ses esprits . Elle s’en va, en douce, sans se retourner, défiant les galets du rivages et le dérapage des virages
Le jour se lève. La fugitive, heureuse d’avoir retrouvé sa liberté, sourit au soleil . Son visage luisant émet des étincelles qui enchantent le paysage. Elle gambade, rit en clapotis et culbute a tout accident de terrain. Elle s’en va , chatouillant les roseaux, cajolant les lauriers roses, embrassant les talus herbeux. Cet enivrement la rend plus claire, plus douce, plus fraîche.
A midi, elle fait un petit somme sous l’ombre des grenadiers et des orangers de Mehaïoula. Une douce sieste bercée par le perpétuel bruissement du feuillage et le froufrou des écumes des rives
L’évadée se réveille, fait un brin de toilette et reprend sa course effrénée. A la vallée étagée, succède une douce plaine alluviale, légèrement ondulée. Les berges deviennent de plus en plus verdoyantes. La fuyarde glisse, somptueuse, et se laisse entraîner par son élan.
Après un virage inattendu, elle aperçoit sur la rive gauche, un tableau fascinant qui l’ébahit. Emue, elle vire de bord et de couleur. Elle devient une onde verdâtre aux bords , bleuâtre au centre et prend une carrure incommensurable.
Une fois les ponts dépassés, elle s’arrête pour saluer et admirer Azemmour qui trône majestueusement sur une haute falaise escarpée, noircie par le temps…
Mohamed Marouazi
Blog: Le Jardin Des Mots