Pourquoi rechercher si obstinément la difficulté, alors que la voluptueuse facilité vous tend lascivement les bras?
Pourquoi s’entêter a parler des “sujets qui fâchent” au lieu de consacrer son temps et sa plume a la glorification toujours gratifiante du “magnifique océan”, de la merveille des merveilles portugaises qui résiste, a travers les siècles, a tous les assauts des méchants de ce monde?
La réponse est très simple et je vais me faire un plaisir de vous la donner : c’est qu a soixante et un ans, (donc exactement, comptez bien, a la moitié de ma vie : j ai en effet pris la ferme décision de vivre aussi vieux que Moïse, soit 120 ans…), eh bien on a envie de servir encore a quelque chose!
Et ce “quelque chose” s’est imposé a moi comme une évidence absolue : je suis né Marocain, je mourrai Marocain, nul au monde ne pourra jamais m en empêcher! Mais qu on ne compte surtout pas sur moi pour jouer de la mandoline et chanter les louanges de l’hypocrisie triomphante!
Non, non et non, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des Maroc possible! Non, non et non, jamais je ne fermerai lâchement les yeux sur la MISERE qui s’étend inexorablement dans MON PAYS! J étais au Maroc en 2006. J ai traversé le pays, du nord au sud, du sud au nord, dans un car de la CTM.
J ai parlé, a chaque étape, a chaque escale, a tous les Marocains chers a mon coeur mais résignés, sans plus aucun espoir de sortir de leur “mektoub”, ceux des petites échoppes des petites bourgades perdues, mais qui elles, au moins, avaient la chance de figurer parmi les haltes officielles des compagnies de transports routiers.
J ai eu honte de manger des biscuits devant la foule de gosses qui me regardaient éperdument, agglutinés autour de moi, comme si j étais un touriste milliardaire et qui ne me demandaient rien, comme si j étais d’un autre monde, comme s’ils avaient mérité leur enfer et la faim qui les tenaillait “tout naturellement” depuis leur naissance!
Alors, décidément non, je ne jouerai s»rement pas de la mandoline! Je suis revenu de ce périple le coeur et la mâchoire serrés. Jamais je n’abandonnerai ces gosses qui sont mes petits-enfants et pour qui je n’étais qu un étranger venu d’une autre planète…
Alors vous comprendrez, j espère, qu entre la facilité déshonorante et la difficulté du “combat perdu d’avance”, j aie choisi sans aucune… difficulté.
Chibani