Sidi Bouzid, une station balnéaire a la dérive

La toxicomanie et le business souterrain ont «pollué» la ville
Si le littoral situé entre Azemmour et El Jadida est considéré comme « la côte d’azur » des Doukkala, avec ses longues plages de sable doré et ses dunes ombragées, celui qui va d’El Jadida a Jorf Lasfar peut être, a juste titre, appelé « la côte d’émeraude », avec son cortège de petites criques et ses falaises superbes surplombant l’océan aux couleurs variant du vert au bleu. Avec, sur ce pourtour, une perle rare: la baie de Sidi Bouzid.

Devenu depuis quelques années un centre balnéaire de renommée internationale, Sidi Bouzid, situé a 3 km au sud-ouest d’El Jadida, fait partie de la commune rurale de Moulay Abdallah. Il n’était avant 1969 qu un amas de dunes, de rocailles et de rochers inaccessibles qui fouettaient, a longueur d’année, des vagues d’écume, entraînant dans leur mouvement des montagnes d’algues arrachées au fond marin.

Son essor a été fulgurant. Depuis quatre ou cinq ans, Sidi Bouzid est devenu la destination privilégiée de milliers de visiteurs, étrangers et nationaux. Et beaucoup de ces visiteurs viennent en famille profiter de l’air rafraîchissant du large. l’autoroute Casablanca-El Jadida, ouverte tout récemment, a encore raccourci les distances, si bien que Sidi Bouzid est devenu la banlieue des grandes métropoles voisines : Rabat, Casa, Marrakech

Seulement, ce prestige et cette réputation risquent d’être a jamais ternis. Ainsi, nous voyons Sidi Bouzid se dégrader chaque jour davantage,notamment durant les vacances d’été ou les week-ends durant toute l’année, une véritable institutionnalisation de certaines dérives, au vu et au su de tous : explosion du marché de la drogue, banalisation de la délinquance et atteinte aux mœurs, jeux d’argent, transformation des rues en lieux de débauche, etc. Ce site est devenu le lieu de prédilection de la dépravation, avec la complicité de quelques personnes, se prétendant «courtiers immobiliers» qui n’hésitent pas a louer a l’insu de leurs propriétaires, des résidences a des fins de luxure.

La criminalité atteint des niveaux inquiétants, que ce soit pour les préjudices portés aux biens (cambriolages, squatterisation d’habitations, vols ou agressions dont peuvent être victimes les personnes, le soir venu). La mendicité dans les rues y prend une forme particulière: on dépose le matin des handicapés sur les trottoirs et on les récupère le soir. Cela témoigne d’une exploitation sordide de la misère humaine et d’une nouvelle forme d’esclavage parfaitement répréhensible dans le cadre de la législation actuelle. Pourtant, les exemples se multiplient, notamment pendant la saison estivale.

D autre part, la commune de Moulay Abdallah, qui est l’une des plus riches du Maroc grâce aux taxes perçues de la zone industrielle de Jorf Lasfar, n’a jamais élaboré un projet sérieux assurant l’hygiène et la propreté de la cité.

Il n’y a pas de réseau d’assainissement liquide et toutes les résidences de Sidi Bouzid ne sont donc équipées que de puits perdus ou de fosses sceptiques le tout allant évidemment a la mer, et cela est dénoncé par tous les guides touristiques étrangers! Et pour peu qu une pluie s’abatte sur la bourgade, les rues deviennent de véritables canaux, emportant dans leur sillage des détritus de tous ordres.

Certains jours, Sidi Bouzid offre le triste spectacle d’une ville a l’abandon, avec des ordures jonchant les rues, livrées aux chiens et aux malheureux qui tentent d’y trouver leur pitanceMais il paraît que la commune n’aurait pas de gasoil pour les camions de ramassage d’ordures ! Chaque année, on organise, a l’échelon national, l’opération «Plages propres». Une façon d’appeler au civisme de tous.Pourtant, si les responsables de la province et ceux de la commune empruntaient la belle route qui longe la mer, de Sidi Bouzid a Jorf Lasfar, en passant par My Abdallah, ils verraient (mais le verraient-ils ?) combien cette «côte d’émeraude» est, ici et la, transformée en véritable décharge publique.

Qui cela dérange-t-il, sinon les touristes ou les simples citoyens ? On aura beau ravaler la façade, cela ne sert a rien si, a côté, les ordures jonchent le sol.
Un accord a été signé avec la Segedema pour le nettoiement de la ville. On attend toujours la finalisation de la convention. Est également prévue, entre Sidi Bouzid et El Jadida, une station d’épuration pour les eaux uséesmais cela ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.

L’été arrive, avec ses milliers de touristes. Verra-t-on, cette année encore, les scooters des mers parader entre les baigneurs au grand dam des vacanciers ? Assisterons-nous, le long de la corniche, a ces rodéos bruyants de moto, ou de quads dont l’utilisation est strictement réglementée, roulant souvent en sens interdit, et qui ont déja occasionné des accidents mortels et des blessés graves ? Les riverains doivent souvent quitter leur résidence pour avoir un peu de tranquillité.

Qui assurera le respect de ces règlements de base ? Les responsables communaux ne comprennent-ils pas que la mer et les zones vertes et boisées sont pratiquement l’unique ressource touristique de cet endroit qui pourrait être paradisiaque ?

Notoriété perdue

Il est urgent que des mesures soient prises pour que Sidi Bouzid retrouve sa notoriété de cité balnéaire de haut standing et ne continue plus de sombrer dans la plus sinistre des renommées : la station balnéaire de toutes les licences ! Il est grand temps que nous retenions le message de Sa Majesté le Roi lors des dernières assises du tourisme: « Nous voulons réitérer notre profond attachement a ce que le tourisme marocain soit un tourisme authentique, propre et responsable. Plus qu un souhait, c’est une obligation pour nous ». Un tel message, si clair et si porteur d’espoir, devrait être ancré au cœur de nos concitoyens, comme il devrait être écrit en lettres lumineuses dans le bureau du président de la commune de Moulay Abdallah et de tous les responsables de la province.

Abdelmajid Nejdi
Le Matin

Auteur/autrice