Dimanche après midi, direction : le village de BOUCHANE, a 64 kms sur la route de MARRAKECH* en allant vers la mythique El Jadida, visiter l’Auberge de Mr LOULOU, un endroit idyllique au patron octogénaire qui résiste cahincaha, aux hommes et au destin qui s’acharne.
Les nuages s’agglutinaient, emportés par le froid qui s’installe dans la région. Sur la vaste plaine qui s’étend a perte de vue, le voyageur égaré que je suis, découvre avec émerveillement un spectacle d’une nature rarissime de beauté. Le vent chancelle et vivats, emportant dans son ballet incessant, la fine pluie automnale, qui atterrit timide et timorée sur le territoire que je traverse, la terre des RHAMNA.
Foin de duperie, les éléments préparent a leur façon, la fin du vieux paysan français, considéré a juste titre, comme l’ultime héritier du legs colonial d’après guerre.
– Salam alikoum! Je cherche Mr LOULOU
– LACH BGHAYTIH ? (c’est a quel sujet ???)
Le ton est sec, l’homme qui me répond derrière le comptoir est un employé dans l’auberge de Mr LOULOU, un barman d’un nouveau genre. Le teint brun, une fine moustache, le ton de la voix est interrogateur, savoir les vrais mobiles de ma visite qui, visiblement dérange plus qu autre chose :
– Allez voir derrière, il est dans l’atelier avec son fils
Il a bien dit : son fils !! Comment ça, il a une nouvelle progéniture maintenant ?? d’après mes maigres connaissances, ses deux seuls enfants résident dans le sud de la France. Mme LOULOU, sa compagne de cette très longue traversée du désert, est décédée il ya deux ans. Son auberge est surtout connue par le jardin exotique qu il a bâti au milieu de ce pseudo désert et qui s’offre au voyageur de passage, une halte ou les enfants pourront admirer les paons majestueux qui y circulent, les poules et les coqs et les dindons farceurs qui y picotent, les chevaux qui y hennissent « zé » les ânes qui y braient Dans ce paradis planté au milieu de nulle part, Mr et Mme LOULOU ont bâti un rêve qui a façonné durant des décennies des familles entières, des voyageurs assoiffés de bière « SPICIAL », de passage dans « BLAD RHAMNA ».
Mes premières impressions, la première image que j ai du vieux paysan n’est pas rassurante, Mr LOULOU, recroquevillé du haut de ses 86 ans, s’appuie avec difficulté sur sa canne, marchant avec difficulté. Son teint est blême, le regard vitreux, une barbe de plusieurs jours, une voix qui vacille de colère contre un destin qui lui tourne le dos, et son état de santé est en constante dégradation. Il semble incapable de s’assoir :
– Je peux pas vous parler, je suis malade, j ai été chez le docteur, il veut m opérer. Ma fille m a dit de rien faire. Elle arrive demain ou après demain. Je vends le bistrot et la ferme, la villa de Marrakech est également a vendre
Depuis quelques années déja, je voulais voir Mr LOULOU, parler de son vécu, du bon vieux temps, de sa lutte quotidienne pour faire tourner l’auberge, au milieu de cette jungle humaine, ce flot de repreneurs potentiels, qui rode autour du vieux lion, dans l’attente du prochain acquéreur :
– Vous voulez acheter le Bar ?
Question pertinente, n’est ce pas ? Le barman s’interroge sur le pourquoi de ma présence tout en expédiant le vieux au cagibi d’a côté, la femme que je vois sur la porte de sa maison lui réclame du sucre. a brasse autour de la crasse, le Boss trébuche avant de s’affaisser pour la dernière foisLa drôle de communauté qui tournoie autour du vieux restaurateur a senti l’odeur de la charogne, la jungle, oh oui !! Ici et maintenant, vous y êtes mes amis, on s’éloigne un petit peu de ce qui ressemble a l’homme. Surtout qu il y a de gros sous en jeu, une affaire en or massif dirait mon ami Abdallah… Ici l’adage s’exclame rageur, dans toute son horreur :
« l’homme est un loup pour l’homme » avait dit Thomas HOBBES.
L’atmosphère est pesante, les charognards rodent autour du seul français encore présent dans la région depuis 1946. Une question se pose, incontournable. Qu adviendra t-il de l’auberge de Madame LOULOU, seul jardin au public de la plaine de BOUCHANE, l’histoire nous le révélera certainement quand le vieux aura quitté ce monde cruel et ingrat.
* En sortant de MARRAKECH en direction d’EL JADIDA et après TAMANSORTE, au moment de prendre la route, après le dernier croisement de l’autoroute de Casablanca, la plaque indique seulement la direction de la ville de SAFI ??? El Jadida n’y est pas mentionnée, que peut-on y voir, une omission ou une simple amnésie ??
Tarik BOUBIYA
AHDATE DOUKKALIA