Entre une activité ou une action d’interprétation, de projection, ou d’imitation, la conception artistique incarnée, sous ses formes multiples (gravure, peinture, sculpture, photographie etc…) reste et restera, une approche plastique ouverte a toutes les dimensions. Et vouloir saisir, suivre, interroger(!) dans le temps et dans l’espace, le chemin ou les chemins qu a parcouru cette approche (qu on a qualifié a tort en tant que mouvement!?) n’est autre que le début d’une aventure dont les fins sont incertaines. Mais une telle action mérite d’être étudiée et mise a l’épreuve !
L’occasion d’un tel péambule, est l’organisation de la Conférence Annuelle de La Mémoire d’El Jadida, organisée par l’Union des Ecrivains du Maroc « Section d’El Jadida » au sein de la Médiathèque Driss Tachfini, sous le thème : « Le mouvement de l’art plastique dans la Province d’El Jadida ; réalités et perspectives ».
Les organisateurs, ont tenu durant les débats ouverts et fructueux a dresser cette toile dont la dimension/la superficie est estimée a 6000 Km, confectionnée par un million de tisserands (chiffre approximatif représentant la population de la Province, brodée par un million de contes et un million d’histoires personnelles. c’est une toile mythique, formée de tableaux multiples et intégraux. Parmi ceux la, ressort celui, représentant des plateaux et des collines, figuiers, sols riches et fertiles, immenses et vides. Et au nord a Azéma/Azemmour, le majestueux fleuve Oum Rabiaa notre l’Euphrate, se mélange avec les vagues bleues et blanches de l’Océan Atlantique, dans une symbiose! De l’est a l’ouest, et au milieu, les innombrables puits et ruisseaux arrosent un patrimoine d’anciennes civilisations, zaouïas et marabouts, abreuvant centres et douars, cheptel, faune et flore
A travers cette toile, ont été projetés des idées, des propositions, ont été relatées des expériences, des vies, des souhaits. Mais le salut de reconnaissance a été réservé a ces plasticiens, fils de cette provinces : pour leur abnégation; leurs recherche de particularité, autodidactie et professionnalisme, spontanéité et académie. Professionnels ou amateurs, notoirement connus ou discrets et inconnus, expressionnistes ou disciples de l’abstrait, ils nous ont honoré et continueront de le faire.
Une pléiade de professeurs et critiques avait pris part au débat, qui s’est axé sur le mouvement plastique au sein de la Province d’El Jadida, ainsi que les expériences et parcours de certains plasticiens dont Abdelkrim Al Azhar et la talentueuse Fatima Moutih.
Le débat était pour eux une occasion de s’exprimer a leur façon, et pour nous, de comprendre la leçon. La parole est aux plasticiens!
Ainsi, Azzedine Maaizi, nouvelliste, nous révélait, dans son intervention : « Devant l’œuvre d’El Azhar, le tableau m interpelle et je réalise qu il est plus grand que moi… Renfermant : yeux, néant, étagères d’une bibliothèque, bateaux, chiffres, carreaux, nez, bouche, puis encor, yeux, fenêtres ».
Le chercheur, Abdelfettah El Fakid décelait, quant a lui, dans ce que l’on a appellé répétition chez El Azhar, une lutte cachée ou le tableau s’est transformée en « ring » devant lequel le visiteur, contemplateur, se défendant, est en quête d’un « sens » ou d’une « essence » de l’Homme.
Pour Laila Dardori, chercheuse et écrivaine et a travers une analyse fine, enveloppée dans un lyrisme exceptionnel, de l’œuvre de Fatima Moutih, l’art est un (indivisible). Le poète est peintre, par excellence, de ses images lyriques jaillissent les vagues des mots. Il est aussi musicien, jouant des mélodies interprétées en mots. Ils sont tous, en quête de l’univers complexe de l’Homme, univers en perpétuel besoin d’être découvert ! Rares sont ces artistes qui allient, inspiration littéraire, maitrise du violon, don des pinceaux et soumission du crayon !
Mais Fatima Moutih fait partie, honorablement et par excellence de ce cercle d’artistes. Autodidacte, lisant comme elle respire. n’a-t-elle pas écrite a l’une de ses amies : « j ai lu tous les livres de notre regretté Driss (Chraïbi) que j ai trouvé très émouvants, j apprécie la sensibilité et la facilité de lecture, la quête de cet homme plongé dans deux mondes si différents qui sont pourtant un seul et même monde. Celui des hommes et de leurs sentiments ». Les poèmes de F. Moutih, nous subjuguent comme ses tableaux nous enchantent. Ils sont pleins d’intensité et d’authenticité, ils nous permettent d’appréhender ce qui relève de l’émotion et de l’intime. Ses couleurs nous parlent et parlent de notre enfance et de notre « passé simple ». Son style, lui est propre, elle l’a puisé dans ses racines de Derb Touil d’El Jadida. Elle l’a forgé au milieu de ses occupations « ormvadiennes ». Elle est toujours, au service de l’Office de la Mise en Valeur Agricole de Doukkala (ORMVAD) et a l’écoute des dossiers de ses proches, seigneurs des terres doukkalies ! Elle est héritière de leur amour de la nature, de leur respect ancestral des couleurs (auxquelles ils ont donné des sens) et elle est « oratrice » de leurs lettres ! Et elle est créatrice de ses Lettres.
Pour Med El Aadi, sculpteur, son souhait majeur « est de mieux apprendre le langage du silence »; Son œuvre parle toutes les langues et exprimes des sensations multiples. Il a résumé sa position en deux mots. Bouchaib Falaki était allé plus loin dans ses propos en affirmant qu il « ne sait parler qu a ses toiles et en présence des témoins/pinceaux » En sa qualité de plasticien autodidacte, son expérience, lui a démontré le mérite alloué du silence.
Et a El Azhar de répondre, « la pratique artistique, refuse les limites et la soumission; et je ne suis pas en bonne entente avec certains critiques, dont les analyses ne sont que pure fiction! Le monde qui m occupe n’est qu attente ! » Lui qui ne parlait que rarement, plaidait aussi pour la cause du silence de l’artiste plasticien, a travers son parcours, et par ses pinceaux, ses couleurs ses toiles, El Azhar, repose les questions et dépassent les réponses, ferme des yeux, des portes, mais procède continuellement a une réouverture/redécouverte d’autres yeux, d’autres portes et fenêtres ! Il ne cache pas, par ailleurs, son désarroi, face a ce qu il considère, a juste titre, l’architecture de béton arme envahissante, et l’anarchisme dont est victime la couleur de La Ville ! Pour El Azhar l’art plastique est un monde mythique et un univers sacre, et qui est régit par des rituels dont seuls les artistes détiennent seuls le secret!
Pour Lahbib Lemsefer et Mustapha Anssari, leur choix était de parler du produit plastique, en tant que « copie culturelle » et « devise » devant être prise en considération dans notre vie quotidienne. Pour eux, comme la plupart des intervenants, il faut mobiliser toutes les infrastructures et l’ensemble des acteurs intéressés, au sein du la province d’El-Jadida afin de :
– Créer un « club d’artistes plasticiens d’El-Jadida » a l’instar des autres régions du royaume.
– Valoriser le produit plastique et les plasticiens d’El-Jadida et les intégrer dans le processus du développement culturel économique, touristique et social que connait la province.
– Ouvrir tous les espaces publiques aux expositions plastiques, afin d’attirer le public et l’initier a une culture de l’esthétique durable.
– Aménager/ou créer une galerie-musée permanent(e) des arts plastiques, avec la contribution de l’ensemble des plasticiens et amis plasticiens d’El-Jadida (Ansari avait proposé sa participation avec certaines de ses œuvres et l’exemple et a suivre)
– Organiser de façon périodique, des rencontres, accompagnées d’expositions, d’ateliers, animés par des plasticiens et critiques reconnus. Et ce au sein de locaux accessibles au large public.
– Veiller a la publication périodique d’une brochure d’information, et aussi la création d’un site web, devant servir de support médiatique a l’activité plastique dans la province d’El-Jadida.
– Reconnaitre ou admettre le rôle des plasticiens dans le devenir de la ville (La Cité) et ses habitants, et ce a travers une concertation élargie (schéma directeur et plan d’aménagement, programmes scolaires et ceux relatifs aux animations).
M. Benazzouz
Eljadida.com