Quand les Jdidis et les voyageurs de ce dimanche soir (30 novembre 2008) ont reçu les excuses si touchantes et justifiées de la part des responsables de l’O.N.C.F, ils n’ont pas cru, ni ce qu ils ont vu, ni ce qu ils entendu. Car, l’événement a fait la une, ainsi que la couverture de tous les médias (radios, tv et quotidiens confondus !!). « Nous sommes si implorants, commentait l’un des voyageurs, et on parle même de nous indemniser ». « a fait de la pub et ça favorise la promotion de notre ville, et notre région » ajoutait un autre !!
Rien de ce que je viens d’écrire ci-haut n’est vrai ni imaginable, et ce n’est que le fruit d’un fantasme de la part d’un rescapé, revenant d’un autre monde (apocalypse oserais-je dire !!). Après avoir été déposé, de justesse, a 18h30 a la gare des Oasis, je courais au guichet récupérer nos billets (moi et ma femme). l’agent de l’ONCF me confirma le départ vers El Jadida a 18h38. Le quai numéro 2 était plein de voyageurs de profils et âges divers. Le panneau signalétique indiquait lui aussi l’heure de départ : 18h38 ! Les minutes s’écoulèrent et l’attente s’installa, sans permission ni avis. Au bout de plus de trente minutes, l’opératrice insouciante, annonça de sa voix « mécanique », l’arrivée du train ! Le soulagement des voyageurs s’est mêlé a leur hâte et a leurs bousculades. La moitie d’entre eux resteront debout, dont moi et ma femme.
Entassés entre compartiments, nous étions dix personnes, dans un train transportant plus que 400 personnes! Mais un climat de détente, de courtoisie s’est vite installé parmi nous. « Le train nous a permis, nous les femmes de circuler en sécurité, et a assurer notre travail dans des conditions meilleurs !! » « La double voix va favoriser la fluidité des voyages et des voyageurs ! » « Je viens de Marrakech, les marrakchis se vantent de leur gare routière flambement neuve ! ». « Nous sommes a l’abri des aléas, et climatiques et sécuritaires, en plus le train est convivial !! ».
Tout le monde excellait dans l’éloge de ce moyen de transport qui est LE TRAIN. Quand soudain, et après que nous ayons quitté la gare de Bir Jdid, le train s’arrêta brusquement, en plein champs et cultures. Il était presque 20h00, et un froid glacial nous invitait a plus de veille et d’attention. Aussi les lumières ont suivi et la pénombre s’invita a la partie. Les portes se font un plaisir, elles aussi, en s’ouvrant, face a la nature, au vent et a la pluie. Un calme étrange régnait durant un certain moment. Ma femme, commençait a être envahit, comme la plupart des voyageurs « inter-compartiments », par l’inquiétude, puis la crainte et en fin la peur ! Les questions, sous forme d’avalanche, se posèrent de tous les sens. Les réponses n’ont pu assouvir la soif et l’inquiétude, maîtres de la situation. Des cris d’enfants commencèrent a pimenter ce plat de désolation, de désarroi et de déprime. Après quelques appels d’assurance et des « SOS » j ai décidé de joindre certains voyageurs a la recherche du temps perdu !
A terre, et non loin de notre « inter-compartiment » nous avions rencontré le machiniste, qui parlait, via son portable, a ses supérieurs « Le courant est coupé, et la radio n’est plus opérationnelle, mais les voyageurs sont pour l’instant calmes et pas pour longtemps « Il faut nous envoyer le train diesel pour nous tracter… et.. » Le reste du dialogue nous a échappé, puisque le machiniste a prit connaissance de notre présence. Et notre inquiétude s’est aggravée. De loin nous avions entendu des chiens qui aboyaient. Mais la pluie nous a été d’un précieux secours. « On a réussi a calmer les gens, mais une femme cardiaque commence a souffrir et un asthmatique est au bout de sa crise ! » nous a confié un voyageur par la porte de son compartiment, pleinement ouverte.
Les minutes passèrent, mais notre train immobilisé, se moquait du temps et nous défiait par son silence et son air passif. Nous étions coincés loin de tous chemins, routes ou habitations. l’exil. l’alcatraz. l’ile autrain ! Bientôt, plus d’une heure a l’attente de Godos. J ai réussi, malgré moi, a remonter dans le train maudit et me soustraire au froid et a la pluie, et joindre ma femme, qui était dans tous ses états ! La consoler, la rassurer ou la mettre au courant de ce que je savais, rien de tout ca ne suffisait pour apaiser sa colère, partagée par le reste de ses « voisins ».
« Tain de Tas de ferraille ni plus ni moins ! » « Qui parle de Metro ou de Tramway n’est qu un fou.. » « Pourquoi avoir gaspillé tant d’argent pour doubler la voix vers El Jadida ??! » « Et la sécurité, La tranquillité, les intérêts des voyageurs, qui s’en occupe ?! » « c’est la hogra pour nous jdidis, et pour notre réputation puisqu on nous envoie ces tas de ferrailles qui s’immobilisent sur les rails au lieu de circuler normalement » Critiques, injures, doléances, demandes d’explications, la situation favorisait tous les propos. « Quand j étais a l’étranger, et le train s’arrêtait, on avait droit a tous les services possibles, excuses répétées, secours, assistance, soins, aides et même dédommagements !! ».
Malgré l’état de l’atmosphère, je redescendais a terre ou une petite foule, composée de jeunes, avançait vers le bout du train. Mais je fus stupéfait de les voir porter un « morceau de fer » lourdement déposé juste devant « la tête du long amas de fer sans âme. » « On s’en servira pour être « tracter » par le train qui arrive d’El Jadida » nous déclarait le machiniste, sur un ton de consolation et d’amertume. « Il arrive dans trente minutes » ajouta-il. Une fois de plus, nous étions otages, dans un espace indéfini, pour un temps indéterminé !
De sa porte ouverte, malgré lui, notre ami le voyageur nous faisait savoir que le caïd de la région était arrivé sur les lieux (par quel moyen ?!). Rassuré, je reprenais place prés des miens et je cherchais dans le noir cet agent d’autorité fidèle a sa mission, mais incapable de s’acquitter convenablement de sa tache. Mais, sa présence m interpelait : et si les responsables de l’ONCF faisaient autant !
Notre colère, après avoir franchi toutes les limites, céda la place a la merci et la miséricorde du Dieu, et j entendais certains psalmodiaient des versets du coran. Le sifflement d’un train « déchirait » ce silence imposé, et donna le signal a des commentaires de soulagement, et de libération ainsi que le début de la fin d’un cauchemar qui s’appelait ZM12. Trois heures d’attente dans un autre monde !!
Le reste de cette aventure, qui a tous les ingrédients d’un film d’Agatha Christi, n’est pas a relater dans ce récit, il relève du personnel. Mais il fera l’objet, un jour, de souvenir a partager avec les rescapés ayant vécu les épisodes de ce tragique voyage a bord d’un train qui sait nuire. Et qui a quitté Casablanca a 19h00 pour rejoindre la ville d’El Jadida a 00h00 !!!(NO COMMENT).
NB : Nos billets portaient la mention suivante : Train rapide; 00813. (Encore NO COMMENT)
M. Benazzouz
Eljadida.com